environnement et ils mènent donc une vie relativement confortable. Ils produisent assez non seulement pour se nourrir et se vêtir, mais même pour exporter en Nouvelle-Angleterre et à Louisbourg. Du moment où leur vie n’est pas en péril, pourquoi abandonneraient- ils cette terre généreuse pour recommencer à neuf dans un pays d’incertitudes? D'ailleurs, le déplacement en soi pose un certain nombre de problèmes puisqu'il faut assurer le déménagement des meubles, des effets personnels et du cheptel qui comprend souvent des troupeaux importants. L’aide financière de la France n’est pas toujours disponible. De leur côté, les autorités anglaises qui admi- nistrent la Nouvelle-Écosse n’ont aucun intérêt à faciliter le peuple- ment des colonies françaises voisines, surtout au détriment de la garnison et de l’administration situées à Annapolis Royal dont l’ap- provisionnement dépend des fermiers acadiens. Un autre facteur, d’ordre géographique, décourage l’émigration acadienne vers l’île. Contrairement à l’Acadie, l’île Saint-Jean dispose de peu de prairies naturelles. Elle comporte toutefois de belles forêts que les Acadiens ne sauraient mettre en valeur, faute d'expérience et de formation convenables. De plus, les fléaux qui détruisent les récoltes des habitants insulaires dès les premières années de la colonie sont de nature à décourager les Acadiens. Malgré tous ces obstacles, des petits groupes d’ Acadiens démé- nagent à l’île entre 1720 et 1745. Par exemple, six familles viennent s'installer à Port-Lajoie en 1724 et une soixantaine d’Acadiens provenant de Beaubassin se fixent dans différents établissements de l’île en 1730!!. Selon le recensement de la colonie effectué en 1735, 162 des 432 colons (35.5%) sont d’origine acadienne!?. Tous les habitants se trouvent regroupés à Port-Lajoie, à Havre-Saint-Pierre, à Tracadie, à Havre-aux-Sauvages, à Rivière-du-Nord-Est, à Malpèque, à Trois-Rivières et à Pointe-de-l’Est. L'établissement de Trois-Rivières est unique dans la mesure où il constitue une colonie indépendante. En 1731, le roi concède à la Compagnie de l’Est une importante étendue de terre à l'embouchure des rivières que l’on nomme aujourd’hui Cardigan, Brudenell et Montague. Le principal actionnaire de cette compagnie est Jean- Pierre Roma, dynamique marchand parisien qui arrive à l’île en 1732 pour gérer sa concession. Il amène avec lui des hommes pour défricher la forêt, constuire des bâtiments et se livrer à la pêche, activité dont Roma espère tirer bénéfice. Il a d’ailleurs des instal- lations à Havre-Saint-Pierre, sur la côte nord, le principal centre de pêche de l’île. 23