Malgré ces revers, Louisbourg et ses dépendances (l’île Royale et l’île Saint-Jean) sont rendus à la France par le traité d’Aix-la- Chapelle en 1748. Par cet instrument, l’ Angleterre accepte de resti- tuer à la France ces colonies atlantiques en échange des comptoirs indiens de Madras. Ainsi, trois ans après la chute de Louisbourg, l’île Royale et l’île Saint-Jean reviennent colonies françaises grâce à des tractations concernant une autre colonie à l’autre bout du monde.

L’administration et la protection de la colonie

Comme nous l’avons déjà vu, Port-Lajoie est choisi comme centre administratif de l’île Saint-Jean lors de l’établissement de 1720 par Gotteville de Bellisle. Depuis ce moment jusqu’en 1745, date de la conquête anglaise, l’île Saint-Jean demeure une dépen- dance administrative du gouvernement de Louisbourg.

En 1726, deux ans après le départ des employés de la Compagnie de l’Isle Saint-Jean, le gouvernement français nomme Jacques d’Es- piet de Pensens, commandant de l’île. Il est en fonction à l’île Royale au moment de sa nomination. Cette mutation ne lui plaît guère. D’un âge assez avancé et d’une santé chancelante, il n’a guère envie de quitter le confort de ses appartements de Louisbourg pour une colonie peu peuplée et isolée. Il obéit néanmoins et se rend à Port-Lajoie avec une trentaine de soldats, un aumônier et un chirurgien. De Pensens passe peu de temps à Port-Lajoie au cours de ses onze années comme commandant de l’île. Il préfère hiverner dans le confort de Louisbourg plutôt que dans les anciens quartiers de la Compagnie de l’Isle Saint-Jean. Les conditions de vie sont assez lamentables, comme il l’écrit au ministre de la Marine en 1728 :

J’ay l’honneur de vous représenter Monseigneur, l’impossibilité d’habiter dors en avant à l’isle St. Jean, si votre grandeur n’a la bonté d’ordonner d’y faire quelque logement. Les casemates que la compagnie de Monsieur le comte de St. Pierre y avait laissé estant entièrement hors de service, les soldats et moy sommes tous les moments en risque de nous voir écraser par les bâtiments nous sommes logés, j’y ai fait faire les réparations que j’ay pu pour les maintenir jusqu’aujourd’huy.°

Sans doute les plaintes du commandant sont-elles justifiées car

sa colonie reçoit peu d’aide du gouvernement. En 1729, il se plaint qu’on lui a refusé le bateau et la chaloupe nécessaires à son transport

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