bourg, avec l’aide désintéressée du missionnaire Jean-Louis Leloutre, les incitent à déménager sur le territoire français au nord de la rivière Missaguash (dans l’isthme de Chignectou), frontière présumée entre les possessions françaises et anglaises. Les Acadiens sont aussi encouragés à passer aux îles Saint-Jean et Royale.
C’est pour cette raison que la France s’empresse de reconstruire Port-Lajoie, réduit en cendres pendant le siège anglais. Le nouveau gouverneur, le commandant Claude Denis de Bonnaventure, doit se charger de l’accueil, de l’installation et de l’approvisionnement des immigrés acadiens. À partir de 1749, l'immigration s’accélère : 151 personnes en 1749, 860 en 1750, 326 en 1751 et 27 en 1752?7. Les Acadiens nouvellement arrivés s’installent auprès des anciens colons mais fondent aussi de nombreux établissements, tels que Pointe-Prime, Anse-à-Pinette, Grande-Anse (Orwell Bay), Bédèque, Rivière-des-Blonds (Tryon), Rivière-à-la-Fortune?*
Cette immigration soudaine fait tripler la population de l’île en l’espace de quatre ans — provoquant de graves problèmes. D’une part, les administrateurs ne réussissent pas à loger et à nourrir conve- nablement tous les immigrés ; d’autre part, les colons ne réussissent pas à obtenir des concessions de terres en bonne et due forme, faute d’arpenteur. Ils éprouvent un sentiment d’insécurité non seulement pour leurs terres, mais aussi à l’égard de l’efficacité de la protection militaire. La garnison, casernée à Port-Lajoie, est en effet trop éloi- gnée des principaux établissements. Pour comble de malheur, le gouvernement français oblige les colons à s’adonner uniquement à l’agriculture. Seuls les habitants de Havre-Saint-Pierre et de Traca- die conservent le droit de pêche. Le but de cette politique est de faire de l’île Saint-Jean le grenier de Louisbourg.
En 1751, l’ingénieur Louis Franquet arrive à l’île Saint-Jean pour étudier la situation de la colonie en vue de dresser des plans de fortifications. Pendant son séjour, il a l’occasion d’entendre les griefs d’un grand nombre de colons. Les recommandations de Fran- quet aux autorités françaises nous renseignent sur les grandes préoc- cupations des habitants de l’île. Il recommande en particulier : 1) que les principaux ports de l’île soient protégés par une garnison et que les communications par terre soient améliorées ; 2) que trois nouvelles paroisses religieuses soient créées ; 3) que les habitants soient autorisés à faire la pêche, sans toutefois négliger l’agricul- ture ; 4) qu’un arpenteur soit envoyé à l’île afin de régler une fois pour toutes le problème de la concession des terres ; 5) que l’ad-
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