Bretagne, de Saintonge et de Gascogne. Outre ces pêcheurs fixés définitivement dans l’île, il s’y trouve également des matelots et des pêcheurs saisonniers qui rentrent en France après chaque saison de pêche. Selon le dénombrement de 1734, ils sont au nombre de 163 à Havre-Saint-Pierre seulement. L'établissement comprend aussi trois laboureurs, un forgeron, un chirurgien et un menuisier. Six des habitants pêcheurs cultivent également la terre“! . Seuls quelques Acadiens habitent Havre-Saint-Pierre. Agriculteurs avant tout, les Acadiens établissent leurs propres communautés ailleurs dans l’île. Les relations entre les gens de Havre-Saint-Pierre sont souvent tendues. Le commandant de Pensens, ou un de ses officiers, doit fréquemment trancher des différends entre les marchands, les habi- tants et les pêcheurs“. De Pensens écrit que les pêcheurs de la côte nord sont «des gens sans dissipline*» et «un peuple quy ne se soustrait que trop facilement de l’obéissance et dissipline”». Il faut dire que le gouvernement français n’encourage pas beau- coup l’expansion de la pêche à l’île Saint-Jean. D’ailleurs le déve- loppement de cette petite colonie ne sera jamais prioritaire sous le Régime français. Les autorités s’intéressent surtout à ce que la colo- nie de l’île Royale, avec sa forteresse de Louisbourg, soit assez puissante pour défendre les colonies françaises en Amérique. En dépit de cette position, les pêcheurs établis à l’île Saint-Jean parvien- nent à pêcher la morue avec succès, mais non sans problèmes. Les uns sont employés par des commerçants locaux, les autres sont des pêcheurs indépendants qui vendent leurs prises à des commerçants de Louisbourg ou de France. Des navires viennent effectivement de ces endroits faire la pêche près de l’île. Ils en profitent en même temps pour commercer avec les habitants. En 1731, le délégué adjoint de l’intendant, Robert Poitier Dubuisson, dans une lettre au ministre des Colonies, raconte qu’il «est venus en cette isle depuis deux ans de suite, deux navires de cent tonneaux environs en droiture de France ; l’année dernière de Granville et cette année de Bordeau, pour y faire la pêche de la morue et pour y faire le commerce, avec les habitants*». L'année suivante, on apprend dans une lettre de Lenormant de Mezy, de Louisbourg, qu’un navire commandé par le capitaine Mathé est allé à Havre-Saint-Pierre prendre la morue pêchée par les employés des dix chaloupes de Jean-Pierre Roma“. En 1728 la pêche à la morue est plus abondante à l’île Saint- Jean qu’à l’île Royale, bien que son développement soit constam- 38