ment entravé par une pénurie de matériel*”. En effet, la plus grande

difficulté des pêcheurs semble être l’achat, à prix raisonnable, de l’équipement de pêche, de la nourriture et des vêtements. Ils doivent ou se rendre à Louisbourg, perdant ainsi des journées de travail, ou bien acheter directement des bateaux français, mais à des prix exor- bitants. De Pensens relate ces problèmes dans une lettre au ministre des Colonies, en date du 5 mars 1732 :

Quoique la pesche y soit bonne et beaucoup moins couteuse qu’à l’Isle Royale, néanmoins les pescheurs ont eu jusqu’à présent beaucoup de peine à se tirer d’affaire par le deffaut d’ustenciles de pesche. Depuis 2 ans, il est allé dans ce port [Havre-Saint-Pierre] un batiment chaque année : mais pressés par la nécessité les habitans ont souvent acheté leurs denrées de moitié plus cher qu’a Louisbourg, ce qui les mettait hors d’état de payer leurs dettes, et même d’avoir des vivres pour nourrir leurs familles pendant l’hiver.“

Vingt ans plus tard la situation a peu changé. Dans son recen- sement de 1752, le sieur de la Roque remarque que les pêcheurs de l’île payent des prix excessifs pour des provisions mais qu’ils ne reçoivent pas beaucoup pour leur morue, et qu’ils sont donc presque toujours endettés. De la Roque recommande que les pêcheurs se consacrent davantage à l’agriculture afin d’être plus auto-suffi- sants en alimentation. Ils n’auraient alors qu’à acheter aux marchands le sel, les hameçons et quelques autres articles“?. La plupart des pêcheurs élèvent quelques animaux et possèdent une terre en partie défrichée. De la Roque décrit un de ces pêcheurs dont la situation ressemble à celle des autres habitants de Havre-Saint-Pierre :

Guillaume Patris, habitant pêcheur et laboureur, natif de Saint Brieux, âgé de 38 ans, et il y en a 20 qu’il est dans le pays, marié avec Françoise Chiasson, veuve de deffunt Guillaume Gallet, native de l’Accadie, âgée de 46 ans.

Ils ont 6 enfants : 4 garçons et 2 filles. Guillaume Gallet, âgé de 22 ans. François Gallet, âgé de 12 ans. Georges Patris, âgé de 8 ans.

Paul, âgé de 5 ans.

Françoise, âgée de 15 ans.

Angélique, âgée de 7 ans.

Ils ont en bestiaux : 2 boeufs, 2 vaches, un veau, 6 moutons, un cochon, 2 oyes et 8 dindes.

Le terrain sur lequel ils sont établis leur a été concédé en forme par Messieurs Aubert et Dubuisson en 1723, mais ils n’ont pu la produire parce qu’elle a esté bruslée dans l’incendie de 1724. Ils ont fait un défriché ils ont semmé 3 boisseaux de froment, et il leur reste du guéret pour semmer 37 boisseaux. °°

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