En parlant de Tracadie, de la Roque fait remarquer que c’est un endroit propice à la pêche et à l’agriculture. Les huit familles établies à cet endroit réussissent bien dans ces deux occupations, constate-t-il”!. Rappelons que depuis 1749, c’est seulement à Traca- die et à Havre-Saint-Pierre que les habitants ont le droit de s’adonner à la pêche. Les autorités françaises, voulant tellement que l’île devienne le grenier de Louisbourg, interdisent la pêche dans la plupart des établissements de l’île afin de s’assurer que les habitants consa- crent toute leur énergie à la production agricole.

De la Roque critique énergiquement l’interdiction de faire de la pêche ailleurs qu’à Havre-Saint-Pierre et à Tracadie. D’après lui, cette politique est contraire aux intérêts de la population souvent au bord de la famine en raison des mauvaises récoltes. La pêche aiderait les habitants à survivre. En prenant l’exemple de Havre-Saint-Pierre et de Tracadie, il affirme que les deux occupations peuvent aller de pair :

.… cela a été un préjugé dans lequel l’on est tombé faute d'expérience, que de croire que les habitans qui font la pêche négligent la culture des terres, le havre de Saint-Pierre et celui de Tracadie sont des preuves certaines et évidentes du contraire, les deffrichés considérables que ces habitans y ont fait et j’auzerai dire que la pêche est un moyen incontestable pour aider à la culture des terres, parce qu’elle donne l’aisance d’avoir des domestiques et des bestiaux faute desquels les terres resteroient toujours incultes.°?

L’agriculture

L'agriculture sera donc le principal domaine d’activité des Acadiens émigrés à l’île Saint-Jean. En arrivant, ils cherchent à s’établir sur des terres semblables à celles qu’ils ont quittées en Acadie. Les quelques prairies naturelles le long des rivières et des baies sont vite occupées car elles offrent une source immédiate de foin pour l’hiver®. Par la suite, les Acadiens cultivent ces prairies et les endiguent, s’il le faut. Lors de son voyage d’inspection en 1751, l’ingénieur Franquet remarque que tous les établissements dans l’île

Sont situés sur des rivières et ruisseaux ou en sont traversés, que le long de leurs bords, à la plupart, sont des prairies, qu’à cette considération les habitants préfèrent s’y établir plus volontiers que partout ailleurs il leur coûterait des peines et du travail pour en former ; que d’ailleurs la pêche leur fournit toujours quelques ressources à la vie, et que la terre y est de même qualité que celle de l’intérieur de l’île.%