Au fur et à mesure que la population augmente et que toutes les prairies naturelles sont prises, les colons doivent abattre et défri- cher la forêt pour agrandir leurs fermes. Cette corvée rude et pénible ne sourit pas aux Acadiens plutôt habitués à élever des digues et à assécher les marais. Ce défrichage occasionne des incendies de forêts désastreux qui entraînent, à plusieurs reprises, la destruction des récoltes dans certains établissements. La pratique colonisatrice des Acadiens de l’île veut qu’au moins une partie de leurs fermes donne accès à un cours d’eau. Ils ne s’aventurent donc pas profondément à l’intérieur”. Le blé et les pois constituent les principales récoltes de la colo- nie. Ce sont les principaux éléments du pain et de la soupe, régime alimentaire de base de la population. En 1739, on a semé quelque 670 boisseaux de blé et 150 boisseaux de pois. Le recensement du sieur de la Roque en 1752 nous donne une excellente idée des diffé- rentes récoltes de l’époque. Les habitants ont en fait semé 1490 boisseaux de blé, 129 d’avoine, 181 de pois, huit d’orge, huit de seigle, un de lin et un de sarrasin”t. Selon le recensement, 1000 acres de terre sont défrichés à cette date dans la colonie, mais seulement 600 à 700 acres ont été ensemencés”? en raison de la pénurie des grains de semence. Au cours des dernières années plusieurs fléaux naturels ont détruit une bonne partie des récoltes. Les colons doivent donc chercher ailleurs leurs semences, notamment à Louisbourg où ils ne les trouvent pas toujours. Sous le Régime français, l’île Saint-Jean ne pourra jamais remplir son rôle de ravitailleur de Louisbourg, au contraire. En raison des fléaux qui frappent la petite colonie, les habitants dépendent souvent de l’aide de Louisbourg pour survivre. On a connu quelques bonnes années mais les récoltes suffisent juste à nourrir la population locale. En fait, l’île n’exportera jamais de blé ou de pois, même à Louisbourg”$. Plusieurs fléaux frappent la colonie : les souris, les sauterelles, la rouille, les feux de forêts viennent tour à tour détruire les récoltes d’un seul établissement ou de toute la colonie. La région de la baie de Malpèque est particulièrement éprouvée de 1749 à 1751. Le sieur de la Roque décrit ces années catastrophiques : .… la première a été occasionnée par des mullots, [...] dès lors qu’ils eurent 41