Comme nous l’avons vu, ces familles sont regroupées à Malpèque, à Rustico et à Baïe-de-Fortune où la plupart des gens sont appa- rentés.
Le problème des terres
Le rétablissement des Acadiens dans l’île ne se fait pas sans problèmes, car ils découvrent très vite que tout le territoire a été concédé à des hommes de mérite anglais. Ainsi, pour demeurer dans l’île, les Acadiens doivent accepter de devenir locataires.
Après la conquête anglaise, l’île Saint-Jean devient Saint John's Island, puis Prince Edward Island en 1799. La colonie est d’abord rattachée administrativement à la Nouvelle-Ecosse. En 1764, le capitaine Samuel Holland est mandaté pour arpenter l’île. Il la divise en 67 lots ou cantons ; chacun couvre environ 20 000 acres. Entre- temps, les Commissioners of Trade and Plantations, l'organisme gouvernemental anglais chargé des colonies, reçoivent des demandes d'importantes concessions de terres dans l’île. Les commissaires conçoivent alors une méthode (un genre de loterie) par laquelle les lots sont distribués à de nombreuses personnalités anglaises méri- tantes de la patrie. Plusieurs conditions sont néanmoins rattachées à ces concessions. Ainsi, chaque propriétaire doit coloniser son canton à raison d’une personne par 200 acres en l’espace de dix ans ; tous les colons doivent être protestants et recrutés sur le conti- nent européen ou dans les colonies anglaises de l’ Amérique du Nord ; une redevance annuelle de 20 à 60 livres doit être versée au Trésor royal par chaque propriétaire.
La distribution des lots s’avère bientôt un échec. Les conces- sionnaires ne prennent pas au sérieux les conditions rattachées à leur concession et beaucoup d’entre eux profitent de la première occasion pour vendre leur nouvelle propriété. En l’espace de deux ans, un quart des lots changent de propriétaires et, douze ans après la «loterie», 49 des 67 lots sont inhabités!*. Rares sont les proprié- taires qui vivent sur leur concession au milieu de leurs métayers. Ils préfèrent confier leurs affaires à des agents. En fin de compte, la création des concessions dans l’île donne naissance à un système complexe et confus de grands propriétaires absentéistes. Ce système, source de graves malaises et de sérieux problèmes pour les habitants, marquera l’histoire de l’île jusqu’à son entrée dans la Confédération canadienne en 1873.
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