Lors du recensement de 1798, la communauté acadienne de Malpèque est concentrée surtout dans le lot 17. Cette année-là, William Townsend et Edas Summers achètent cette propriété en même temps qu’ils se rendent acquéreurs du canton 43 à Baïe-de- Fortune, comme nous l’avons déjà vu. Encore une fois, ils réclament quelques années d’arrérages des fermiers acadiens*”. Leurs demandes provoquent le départ de plusieurs familles qui quittent Malpèque pour se rendre dans les lots 1 et 2 elles fondent l’établissement de Tignish en 1799, et dans le lot 5 elles fondent Cascupec en 1801.

Le lot 17 reste peu de temps en la possession des associés Town- send et Summers. En 1804, le colonel Harry Compton en est le nouveau propriétaire. Il s’intéresse tant à son acquisition qu’il démé- nage de l’Angleterre. Au début, il semble bien s’entendre avec ses métayers, comme l’explique l’abbé Angus B. MacEachern en 1805 :

Un certain lieutenant-colonel Compton a acheté l’établissement français de Malpèque. Il se montre bienveillant envers nos gens, et leur a loué ses terres à des conditions raisonnables. Il est sympathique à notre religion.

Cette bonne entente finit cependant par se gâter. Les tensions augmentent entre les Acadiens et le propriétaire tout comme avec les voisins anglais. En 1812, Compton, voulant peut-être régler ses problèmes avec ses métayers acadiens, leur propose de leur vendre les terres qu’ils occupent à raison d’une livre l’acre*”. Les Acadiens trouvent ce prix trop élevé, compte tenu du fait qu’ils ont défriché les terres. À partir de l’automne de 1812, ils quittent progressive- ment le domaine du colonel Compton. Ils se dirigent vers le lot 15, encore inhabité, ils fondent les établissements de «La Roche» (Baie-Egmont), et du «Grand-Ruisseau» (Mont-Carmel). L'abbé MacEachern parle ainsi de ce déménagement en 1813 :

Je suis peiné d’apprendre que les pauvres Acadiens du lot 17 se préparent à déménager à la baie Egmont dans le lot 15. On dit que leurs voisins leur causent des ennuis, tant du point de vue spirituel que temporel. #

La tradition orale nous a conservé une complainte qui relate le départ des Acadiens de Malpèque et leur établissement à la baie Egmont. Composée par une pionnière de la paroisse, Julitte Arse- nault, cette chanson décrit bien la situation lamentable de ces habi- tants aux prises avec leur seigneur. Les deux premiers couplets nous aident à saisir l’état d’âme de ces pionniers :

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