Tignish et Cascumpec“?

En quittant l’établissement de Malpèque pour Tignish et Cascumpec, afin d’échapper au paiement des redevances, les Acadiens ne règlent pas pour autant leur problème. Les lots (prin- cipalement 1, 2 et 5) sont inhabités quand ils arrivent. Mais 15 ou 20 ans plus tard, les pionniers de Cascumpec et quelques familles de Tignish sont pressés par le marchand John Hill de le reconnaître comme leur seigneur. Une lettre de Père Beaubien à Mgr Plessis en 1817 évoque le problème :

Les dernières nouvelles que j’ai eues de Cashcompeck, étaient assez mauvaises. Il y avait une grande apparence que ces gens, ainsi qu’une partie de ceux de Tignish seraient dérangés par Mr. Hill.‘

Mgr Plessis se montre peu surpris des problèmes que rencontrent les gens de Cascumpec et de Tignish. Il répond en disant que «ce n’est que la répétition de ce qui s’est fait à Malpec». Il ajoute même : «Je vois venir avec frayeur le moment les pauvres Acadiens seront tout à fait [dépossédés] et porteront la folle enchère de leur fausse confiance*.»

À l’automne de 1821*, un certain nombre de ces défricheurs acadiens décident de signer des baux à des conditions bien au-dessus de leurs moyens. L’abbé MacEachern remarque en 1828 que les Acadiens de Tignish et de Cascumpec craignent pour leur avenir parce qu’ils ne peuvent pas payer les loyers exorbitants*. Encore une fois, certains Acadiens, incapables d’honorer leur bail ou refu- sant de devenir locataires, abandonnent leurs terres, mises en valeur après plusieurs années de rudes travaux. Ils cherchent donc à s’éta- blir ailleurs, toujours à la recherche d’un coin de terre qu’ils puissent réellement posséder. Il faut dire que leur départ ne déplaît pas toujours au propriétaire, car, après tout, les terres défrichées se louent ou se vendent à bon prix.

Au cours des années 1830, les métayers acadiens des lots 1, 2 et 5 apprennent qu’ils ont de nouveaux propriétaires. Les cantons 2 et 5 ont été achetés par le grand financier Samuel Cunard, et le lot 1 a passé aux mains d’Edward Palmer. Vers 1835, Cunard envoie un agent faire signer des baux aux occupants de son domaine. Grâce au chantage et aux menaces, l’agent gagne la soumission de nombreux Acadiens qui deviennent ainsi locataires pour la première fois depuis une trentaine d’années. L’agent les oblige même à payer une rede- vance rétroactive. En 1860, Nicholas Conroy décrit cette situation

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