l’administration anglaise de la colonie n’est pas surprenant. Pendant plusieurs générations, les Acadiens gardent en mémoire l’histoire de la Déportation et des mauvais traitements des Anglais. Le système des propriétaires fonciers absents, comme nous l’avons vu, ne contribue pas à les rassurer que l’époque du Grand Dérangement est révolue. Les Acadiens ne se montrent pas pour autant hostiles aux administrateurs anglais ou à leurs voisins d’une autre culture. Ils s’accommodent au système, tout en gardant une certaine distance. Lorsque le gouverneur Edmund Fanning quitte l’île, en 1804, il loue les Acadiens pour leur conduite disciplinée, pacifique et méritoire, pour leur constante obéissance au gouvernement et pour leur inébranlable loyauté au roi!7*. Malgré tout, les sentiments d’indé- pendance et de méfiance sont encore forts parmi les Acadiens insu- laires à la fin des années 1860. Une lettre publiée par un Acadien dans The Summerside Progress V’indique clairement :

Même s’ils sont sujets britanniques, les Acadiens de cette île sont, en réalité, un peuple à part. Dans la vie sociale, ils se tiennent à l’écart de leurs conci- toyens qui ne parlent pas leur langue et qui les perçoivent trop souvent comme une classe de gens ignorants et vieux jeu. De leur côté, les Acadiens voient leurs plus prétentieux concitoyens comme des gens supérieurs à eux en instruction et en fortune. Le souvenir des souffrances que leurs ancêtres ont endurées à l’époque de la conquête de ces provinces par les Anglais, et aussi par la suite, les empêche d’avoir des relations normales avec eux. !7*

Jusqu’en 1830, les catholiques de l’île ne peuvent ni voter aux élections ni siéger à la Législature. A partir de cette date, les Acadiens ne s’aventurent que timidement dans le domaine de la politique. En 1854, ils élisent leur premier représentant à l’Assemblée législative, Stanislas-F. Poirier, ou Perry, comme il préfère écrire son nom. Entre-temps, plus d’un politicien sait profiter du vote acadien, et encore pas toujours honnêtement.

L'élection d’un Acadien à la Législature signale le début d’une importante transformation de la communauté acadienne insulaire. Elle commence effectivement à sortir de son isolement séculaire et à s’ouvrir sur le monde anglophone qui l’entoure.

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