classe dirigeante acadienne. Rappelons que ces chefs sont en grande partie des instituteurs ou d’anciens instituteurs ayant accédé à des carrières plus rémunératrices et souvent beaucoup plus influentes. Certains d’entre eux sont devenus commerçants, fonctionnaires, politiciens, avocats ou prêtres. Parmi ces Acadiens instruits, quelques-uns ont épousé des anglophones, à la réprobation des plus nationalistes d’entre eux‘. On accuse souvent les instituteurs et les gens instruits de certains cantons acadiens de préférer l’usage de la langue anglaise”.
À côté de cette élite laïque, le clergé catholique ne constitue pas pour autant un groupe homogène. Composé de prêtres d’origine québécoise, acadienne, irlandaise et écossaise, ce clergé est loin d’être unanime sur la question acadienne. L’attitude des prêtres à l’égard de la culture acadienne et de la langue française varie beau- coup. Le clergé n’exerce donc pas une influence uniforme sur les chefs acadiens. C’est donc sous la direction et l’influence d’un leadership assez varié, et aux idées divergentes, que la communauté acadienne de l’île commence à émerger de son isolement culturel.
Afin de favoriser l’évolution du peuple acadien, les chefs de l’époque préconisent des changements dans le système de valeurs de la population. Dans leur perspective, certaines valeurs tradition- nelles entravent l’épanouissement des Acadiens. Les chefs se livrent alors à une campagne de propagande pour tenter de faire valoir aux Acadiens les avantages probables de modifier leurs attitudes et d’abandonner plusieurs de leurs vieilles coutumes. Il va sans dire que cette élite souligne l’importance de l’éducation. Un des plus vibrants plaidoyers pour cette cause figure en première page du Summerside Progress en 1868. L'auteur, qui signe simplement An Acadian, intitule son article : Manners and Customs of the French Acadians in P. E. Island. — Reform. IX] écrit avec conviction que si les Acadiens ne transforment pas leur mode de vie, ils risquent de demeurer un peuple insignifiant :
Acadiens! Vos vertus méritent des louanges, mais en demeurant dans votre présent état, enchaînés à de vieilles traditions, chérissant des notions vieillies d’exclusivité, et en vous agrippant à vos anciennes moeurs et coutumes, vous ne favorisez nullement votre prospérité matérielle, votre respectabilité et votre bonheur! [...]
Si vous ne profitez pas des avantages de l’instruction, si vous ne vous assi- milez pas aux moeurs et coutumes dominantes qui vous entourent, et si vos femmes ne se conforment pas dans une bonne mesure à la mode, pour devenir
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