Mcintyre envoie donc à toutes les paroisses une lettre pastorale pour exhorter ses prêtres à lutter davantage contre cette calamité sociale :
Redoublez vos efforts en vue de la tempérance, car vous savez bien que l’ivrognerie est un des grands péchés de notre époque. Déployez devant les yeux de vos paroissiens les maux spirituels et temporels que cause ce vice. Encouragez-les à pratiquer la tempérance en l’honneur du soif de Notre- Seigneur cloué à la Croix.?#
L’évêque demande aux prêtres et aux laïcs d’organiser dans leurs paroisses des sociétés d’abstinence totale. En vue de mieux coor- donner le mouvement, il crée un conseil central dont le Père Ronald B. MacDonald, curé de Miscouche, devient le président. Excellent propagandiste, le Père MacDonald voyage d’une paroisse à l’autre pour encourager l’organisation et recevoir les promesses d’absti- nence totale des nouveaux adhérents. Selon Le Moniteur Acadien, les paroisses acadiennes sont parmi les premières à se joindre au mouvement :
Nous constatons avec un vif plaisir et un légitime sentiment d’orgueil que nos compatriotes sont au nombre des premiers à se rendre à l’appel de leur premier Pasteur. Les paroisses acadiennes se sont émues des ravages causés aux populations par l’ivrognerie, ce ver rongeur des sociétés, et ont pris la résolution d’opposer une digue au fléau de l’époque.??
La propagande s’avère très efficace, puisque la majorité des hommes embrasse la cause. À Bloomfield, ils sont 230, à Baïie- Egmont 330, à Mont-Carmel 204%. Pour devenir membre de la Société, il faut prêter le serment d’abstinence totale de boissons enivrantes et s’engager à réciter quotidiennement un «Notre Père» et deux «Je vous salue Marie» pour demander la persévérance. Chaque société locale a un comité de vigilance qui surveille les membres et les condamne à une amende de 20 cents chaque fois qu’ils sont pris à consommer de l’alcool. Enfin, si un adhérent rompt sa promesse à plusieurs reprises, il s’expose à être expulsé de l’organisation*!.
Vers 1890, la plupart des sociétés paroissiales de tempérance se transforment pour s’enrôler sous la bannière de la «Ligue de la Croix», nouveau mouvement de tempérance d’envergure universelle*?. Les activités de ces organismes demeurent encore essentiellement culturelles et éducatives. Comme dans le cas de Rustico, la plupart de ces cercles se convertissent, au début du siècle, en «sociétés de la bonne mort» même si on les appelle toujours
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