nous avions été autant de moutons. En vérité, il fallait bien que nous fussions des moutons en effet, pour nous laisser ainsi tirer les vers du nez. ?? Dans une certaine mesure, nous pouvons comprendre cette réti- cence des Acadiens vis-à-vis de la politique. Rappelons qu'ils étaient, pour la plupart, des métayers. Aux élections, il arrivait souvent que leur propriétaire, ou son agent, se porte candidat, et que par crainte de représailles, les Acadiens votaient toujours pour lui®°. Ils n'étaient donc pas véritablement des électeurs libres. Les Acadiens ont cependant trouvé quelques députés anglo- phones accessibles à leurs problèmes. Nommons, entre autres, Nicholas Conroy, Benjamin Davies et William Cooper qui font connaître au gouvernement et au grand public les injustices infligées aux Acadiens par les propriétaires terriens et leurs agents®!. Ces hommes publics font partie d’un mouvement politique qui lutte pour une réforme majeure du gouvernement de la colonie et du système foncier. Ils exigent, en fait, que le gouvernement et la Législature deviennent plus représentatifs des intérêts de l’ensemble des habi- tants de l’île et non seulement d’une clique de riches citoyens. En effet, cette clique au pouvoir représente principalement les intérêts des grands propriétaires et de leurs agents. Les réformateurs créent le parti libéral qui est porté au pouvoir en 1851. Ils atteignent presque aussitôt le but tant désiré, un gouver- nement responsable, c’est-à-dire un conseil exécutif (cabinet) formé de représentants élus, choisis au sein de la Législature. Auparavant, le puissant conseil exécutif était constitué de membres nommés par le lieutenant-gouverneur ; le conseil n’était donc pas responsable devant les électeurs. En l’espace de quelques années, ce nouveau gouvernement libé- ral amène des réformes telles qu’une réorganisation de l’instruction publique pour la rendre plus accessible à la population et un programme qui permet au gouvernement d’acheter les terres des grands propriétaires afin de les revendre aux locataires. Il n’est pas surprenant que les premiers Acadiens à se porter candidats aux élections soient partisans de ce parti réformateur. En 1854, Stanislas-F. Perry (Poirier), de Tignish, est élu sous la bannière du parti libéral. Il brigue les suffrages non dans sa propre circons- cription électorale, mais dans celle qui comprend les paroisses de Baie-Egmont, Mont-Carmel et Miscouche. Il se fait cependant élire chez lui, soit dans le 1% district de Prince, en 1870. 125