un exemple d’efforts personnels et de coopération qu’ils auraient avantage à suivre. [...] Cette entreprise [la grainerie] est un excellent témoignage de l’intelligence et de l’indépendance des Acadiens de Baie-Egmont. Si de telles sociétés étaient établies de par toute l’île, le gouvernement n’aurait pas à venir au secours de la population agricole même dans les plus grandes années de disette.!!°

Les graineries se répandent vite. Dès 1880, on voit la création d’au moins 24 de ces banques toutes, sauf une, en milieu acadien. En fait, toutes les paroisses de souche française en comptent un certain nombre. Tignish en a le plus ; elle en constitue huit en socié- tés entre 1870 et 1878116,

Pour diverses raisons la plupart de ces graineries cessent leurs opérations dès 1920. D’une part, la qualité des grains que l’on rembourse est devenue incontrôlable à cause de l’infestation de mauvaises herbes. D’autre part, l’amélioration de la qualité des grains du marché et la disparition du troc ont rendu ces graineries plutôt démodées!!7. La grainerie d’Urbainville sera la dernière à fermer ses portes, après avoir bien servi la communauté de 1869 à 1946/!!8.

La voie du progrès

Comme pour l’ensemble de la province, l’agriculture forme la base de l’économie des communautés acadiennes. Le discours natio- nal acadien se calque, comme nous l’avons vu, sur l’ultramonta- nisme d’après lequel le travail agricole devient synonyme de la vie morale et religieuse. Que ce soit au Québec ou en Acadie, la vie agricole est donc considérée comme une condition nécessaire à l’épanouissement de la nationalité canadienne-française. Laissons la parole au Père Marcel-François Richard, un des plus grands natio- nalistes acadiens :

L’Acadie n’a d’autre avenir que dans l’agriculture. Sa stabilité repose dans cette industrie primordiale. Attachons-nous au sol national, aimons et soyons dévoués à notre chère Acadie. [...] Pour être véritablement Acadiens, il faut marcher sur les traces des premiers défricheurs et agriculteurs de ce pays. De dépend la vie ou la mort de la patrie acadienne.!!°

Les années 1860-1880 correspondent non seulement à une période nationaliste, mais aussi à une période d’ouverture au progrès. Au dire d’un correspondant acadien du Summerside Progress, en 1868, la nouvelle génération est ouverte aux réformes dans l’agriculture alors que les vieux fermiers restent attachés à des notions et à des pratiques dépassées !2?. On commence donc à voir, pour la première

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