La pêche au homard s’impose
L'industrie de la pêche au homard n’existe pas avant les années 1870 dans l’Île-du-Prince-Edouard. Bien que ce crustacé foisonne dans les eaux de l’île, il ne fait pas l’objet d’une pêche commerciale car il n’existe pratiquement aucun marché pour le produit. Les fermiers ne s’en servent que pour engraisser leurs terres.
C’est au cours des années 1870 que cette pêche prend vérita- blement son essor dans l’île. En 1871, on met en conserve 6711 livres de homard. Mais en 1882, ce chiffre passe à 5 millions de livres! *! Ainsi, presque du jour au lendemain, on voit surgir partout le long des côtes des «homarderies», c’est-à-dire des usines d’ap- prêtage du homard. En 1884, on en compte 95 en fonctionnement à travers la province!**.
On construit un grand nombre de ces conserveries dans la plupart des paroisses acadiennes, notamment sur les côtes de Mont-Carmel et de Baie-Egmont où, auparavant, la pêche ne constituait pas un facteur très important de l’économie locale. En 1884, on y compte 10 usines en activité! **, Cette prolifération n’est pas sans causer certains conflits entre les propriétaires. Voici ce que rapporte J. Hunter Duvar, inspecteur des pêches :
Des fabriques, principalement le long de la baie Egmont ont été établies par groupe, à des distances d’un mille et quelque fois beaucoup moins, de sorte qu'il serait impossible aujourd’hui de louer des étendues convenables, puis- qu’il faut la faible étendue d’environ trois milles pour exploiter avec profit une fabrique de conserves de homard. Pour cette raison, il s’élève constam- ment des différends entre les fabricants au sujet des trappes.!*
Dans ces conditions, certaines de ces homarderies ne survivent pas longtemps.
Plusieurs Acadiens sont propriétaires ou co-propriétaires de ces conserveries, tels que le capitaine Francis Gallant à Naïl Pond, Moïse Chiasson à Tignish, l’honorable Joseph-Octave Arsenault à Baïie- Egmont!°? et Jean-J. Gallant à Mont-Carmel!#, Quelques entre- preneurs acadiens du sud-est du Nouveau-Brunswick construisent de bonne heure des usines à Mont-Carmel et à Baie-Egmont!*”, car ils possèdent déjà une certaine expérience de cette industrie qui s'était développée chez eux un peu plus tôt qu’à l’île.
La multiplication des homarderies entraîne inévitablement la surexploitation du homard. Après quelques années de pêche inten-
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