foi ; celui qui s’anglicise risque de perdre sa foi catholique. D’autre part, le clergé anglophone, de culture irlandaise surtout, est convaincu que la langue anglaise va, tôt ou tard, devenir la langue dominante du pays ; il faut donc favoriser cette langue afin d’assurer l’expan- sion et l’unité du catholicisme. D’ailleurs, comment attirer les Anglo- protestants vers l’Église catholique lorsque ceux-ci, influencés par des préjugés hériditaires anti-français, identifient le catholicisme au Canada français”??

Même en l’absence de luttes ouvertes, l’ esprit anglicisant du clergé catholique de langue anglaise se fait sentir à l’Île-du-Prince- Édouard surtout à partir des années 1920. Ainsi les Acadiens commencent à perdre du terrain quant à l’usage du français dans la vie religieuse de leurs paroisses. Des paroisses à forte proportion de fidèles acadiens-français passent ainsi aux mains de curés prati- quement unilingues anglais incapables de respecter la langue et la culture d’une bonne partie de leurs ouailles. Certains d’entre eux sont même opposés à la cause acadienne. Cette situation est grave dans la mesure elle ralentit l’effort de promotion et de préser- vation de la langue française et de l’identité acadienne. Nous avons déjà vu le rôle déterminant que les prêtres acadiens jouent dans ce domaine. En 1924, un visiteur du Nouveau-Brunswick écrit : «Là le français se parle encore intact, nous trouvons le prêtre acadien qui, par son zèle secondé par l’obéissance de ses parois- siens, maintient le respect de la langue des aïeux*.»

Les Acadiens acceptent mal cette forme d’anglicisation que le clergé encourage. Alors qu’on leur a pendant si longtemps prêché qu’ils doivent conserver la langue française comme gardienne de leur foi catholique, voici maintenant que le clergé lui-même les prive du droit d’entendre la prédication dans leur langue maternelle, et même d’apprendre le catéchisme en français.

La pénurie de prêtres acadiens ou de prêtres bilingues justifie rarement cette situation. En 1937, le clergé du diocèse de Char- lottetown comprend 70 prêtres dont huit sont acadiens, mais seule- ment quatre de ces derniers oeuvrent dans l’île ; les autres sont affectés aux îles de la Madeleine“*. On voit parfois des prêtres acadiens desservir des paroisses totalement anglophones. Plusieurs autres prêtres acadiens, originaires de l’île, sont chargés de paroisses dans l’Ouest canadien et américain.

Malgré cette situation peu encourageante, les Acadiens insu- laires peuvent compter sur l’appui de quelques prêtres dynamiques

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