et on s’appauvrit de plus en plus. Une telle expérience doit absolument nous faire comprendre que nous devons nécessairement avoir recours à d’autres moyens plus rémunérateurs pour nous procurer les commodités de la vie.!?
Il va sans dire que ces «autres moyens» sont les travaux de la terre : «Emparons-nous du sol ; là est notre salut», conclut-il.
Une certaine tentative de modernisation se fait au cours des années dans l’industrie de la pêche. On voit apparaître des instal- lations frigorifiques comme des wagons réfrigérés qui permettent le transport du poisson et du homard à l’état frais. Mais ces nouveautés exigent des investissements importants que la majorité des petites conserveries, typiques de l’île, ne peuvent envisager.
L'apparition des bateaux motorisés rend le travail du pêcheur un peu moins dur et moins dangereux. Dès 1920, ces bateaux ont remplacé la plupart des bateaux à voile. Avec un bateau à moteur, le pêcheur peut se déplacer plus rapidement et pêcher plus loin au large, même les jours sans vent. À l’approche d’une tempête, il peut se mettre à l’abri en beaucoup moins de temps qu’avec le bateau à voile.
Cependant, l’avènement des bateaux motorisés ne transforme pas la vie du pêcheur du point de vue économique. Les marchés demeurent très médiocres et les prix peu élevés. Au cours des années 20 et 30, le hareng n’a pratiquement aucune valeur commerciale et le pêcheur est forcé de le vendre à un prix dérisoire aux fermiers qui s’en servent comme engrais. Félix Gallant, un pêcheur d’Abram- Village, rappelle ces temps difficiles :
Le seul prix payé pour le hareng était cinquante cents le baril, et ce, au début de la saison lorsque le hareng était rare. Mais, plus tard dans la saison le prix baissait à trente cents le baril. On le vendait alors aux pêcheurs de la côte nord. Lorsque ces derniers en avaient en quantité, on vendait le hareng aux cultivateurs à trente cents le baril ou bien on l’échangeait pour des pommes de terre. Les cultivateurs s’en servaient comme engrais pour leurs terres. Le cultivateur donnait un boisseau de pommes de terre pour un baril de hareng. Les pommes de terre se vendaient à dix-huit cents le boisseau à cette époque- là. Comme on se servait de bateaux à essence pour pêcher le hareng et étant donné qu'il fallait tenir compte du prix de l’essence, de l’huile, et des filets, le profit était nul.!26
Les pêcheurs dépendent avant tout de la pêche au homard pour tirer un certain revenu de leur travail, mais encore là, le bénéfice net est insignifiant. À titre d'exemple, un pêcheur de Mont-Carmel se souvient d’une année où, après avoir réglé tous ses frais à la fin
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