de la saison, il lui restait seulement $6.50 en poche!?7. Le revenu de la pêche ne pouvant suffire, beaucoup de jeunes hommes s’en- gagent pendant quelques mois chez les fermiers de la région au temps des récoltes ou s’expatrient sur le continent pour travailler comme bûcherons dans les chantiers forestiers ou encore comme débardeurs dans les ports de mer, tel celui de Saint-Jean! #, Il faut souligner que l’assurance-chômage n’existe pas à cette époque.

La coopération

Comparés aux agriculteurs, les pêcheurs ne jouissent ni des mêmes avantages ni des mêmes faveurs. Nous avons vu qu’à partir du milieu du XIX® siècle, les agriculteurs se regroupent pour s’en- traider et s’instruire. Les fermiers acadiens mettent sur pied la Banque de Rustico, les «graineries» et plus tard les cercles agricoles. La question agricole est privilégiée lors des rencontres des sociétés de tempérance et des cercles de débats. Ce sont donc les fermiers, et non les pêcheurs, qui jouissent de l’appui des chefs de file acadiens qui, la plupart du temps, sont eux-mêmes des agriculteurs modèles. Néanmoins, certains membres de l’élite s’intéressent à l’industrie de la pêche mais, étant propriétaires de pêcheries, ils n’ont pas intérêt à favoriser la mobilisation des pêcheurs.

D’autres facteurs rentrent ici en ligne de compte. Pendant assez longtemps, un grand nombre de pêcheurs n’ont aucun contrôle sur les moyens de production. Alors que les fermiers possèdent leur terre et leurs instruments aratoires, la plupart des pêcheurs ne sont propriétaires ni des bateaux ni même des agrès de pêche ; ils ne sont que de simples employés, souvent endettés envers leurs employeurs. Cette situation ne facilite pas le regroupement des pêcheurs en sociétés, d’autant plus qu’ils sont dépourvus de chefs instruits qui partagent leur position. De surcroît, l’aide gouverne- mentale semblable à celle offerte à la classe agricole tarde à venir.

En 1909, 39 pêcheurs de Rustico-Nord sont les premiers de la province à s’associer afin d’exploiter leur propre conserverie car ils sont mécontents du prix payé par les entrepreneurs locaux. Ce regroupement s’avère possible car, contrairement aux pêcheurs acadiens d’ailleurs, ces pêcheurs de Rustico-Nord sont en majorité propriétaires de leurs bateaux!?°. Cette expérience apporte certains avantages, bien que ce groupe soit néanmoins obligé de négocier avec le commerçant local qui fixe toujours les prix. En effet, c’est lui qui achète le homard emboîté, qui vend les agrès de pêche, et

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