Les chansons locales sont assez nombreuses dans le répertoire acadien. Marius Barbeau, le renommé fol- kioriste canadien, se rendit compte de cette richesse

particulière du folklore acadien. À ce propos, il écrivait en 1937:

Le répertoire acadien, beaucoup plus que le lau- rentien, comprend des pièces de composition locale peut-être plus de vingt pour cent. Ces manifes- tations d'art rustique, tout intéressantes qu'elles puis- sent être, sont dépourvues de style autant que de grammaire. Comme celles du même genre, mais rela- tivement moins nombreuses, que nous retrouvons sur le Saint-Laurent...2

L'étude de la chanson locale présente, à notre avis, un intérêt de tout premier ordre. D'abord, ce genre de poésie orale constitue une partie importante de notre littérature populaire. De plus, ces documents oraux sont un apport tres important à la petite histoire, voire à l’histoire de la culture acadienne. Ils nous ren- seignent abondamment sur la mentalité, les mœurs et les préoccupations de ce peuple longtemps ignoré et mal connu.

Les Acadiens insulaires semblent avoir cultivé d'une facon toute particulière la complainte locale. Tout au long de nos enquêtes, nous avons pu consta- ter chez nos informateurs un profond attachement à ces chansons à caractère tragique. Nous ne voulons pas dire par que ce genre seul foisonne dans leur répertoire. Cependant, nous croyons que les vingt et un spécimens recueillis attestent remarquablement leur présence. Û

Les compositions originaires de l'Ile-du-Prince- Édouard gravitent autour d'un nombre restreint de thè- mes, la plupart traitant de noyades. En effet, treize de ces complaintes, soit environ soixante-deux pour cent

2. Marius Barbeau, Romancéro du Canada, [Montréal], Éditions Beauchemin, 1937, p. 184.

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