L'importante émigration d'Acadiens insulaires, surtout depuis le milieu du siècle dernier, a certai- nement contribué beaucoup à la diffusion de certaines complaintes. À partir de 1860, des Acadiens de Rustico allèrent s'établir dans la vallée de la Matapédia en Gas- pésie. Des gens de Mont-Carmel et de Baie-Egmont allèrent les rejoindre au cours des années qui suivi- rent22. En 1864, un autre groupe établit une nouvelle colonie dans le Nouveau-Brunswick, soit à Saint-Paul dans le comté de Kent. Afin de freiner l'émigration en masse des Acadiens vers les États-Unis, leurs chefs de file, notamment Monseigneur Marcel-F. Richard, ouvrirent de nouvelles colonies, entre autres à Rogersville et à Acadieville. De nombreux insulaires y déménagerent pendant les deux dernières décennies du XIX® siècle et au début du XXe. Laurent Doucet, auteur de Jérôme Maillet, fut parmi ces émigrants. Vers 1900, il quitta Saint-Louis avec sa famille pour s'établir à Rogersville. Il y a lieu de penser qu'il fit connaître sa complainte dans sa nouvelle patrie. Le développement industriel aux États-Unis attira un nombre considérable d'Acadiens vers les grands centres urbains de la Nouvelle-Angleterre, surtout à partir de 1880. Nous pouvons croire que cette vague d'émigration contribua à la diffusion de nos com- plaintes, car des francophones de tout le Canada fran- çais Sy rencontraient et pouvaient s'échanger des chansons. Il ne faudrait pas oublier les chantiers forestiers en tant que lieux favorables à la diffusion de chan- sons. Chaque automne, bon nombre de jeunes hom- mes quittaient leur village pour les camps de büûche- 22. Georges Arsenault, «Le Système des propriétaires fonciers absents de l'Île-du-Prince-Edouard et son effet sur les Aca- diens», La Revue de l'Université de Moncton. vol. 9 nos 1. 2et3 (octobre 1976), p. 72. 23. Ibid. 85