Le neveu du noyé, le père Éric Cormier, rédigea en
1946 une intéressante petite biographie de son oncle. II recueillit ses renseignements de son père, Antoine Cor- mier, frère de François. Voici le texte en question:
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Né en 1890, il mourut en 1912. Fils aîné de la famille, il ne fréquenta pas l'école longtemps car, tres jeune, il s’initia aux travaux de la ferme et prêta main forte à son père. Les autres membres de la famille l’admiraient beaucoup et estimaient ce jeune homme réservé et pieux. À l'âge de 12 ans il dit à son frère Antoine qu'il désirait mourir noyé. Il fut le «garçon suivant» au mariage de sa sœur, Marie- Anne (Mme John Richard), et le soir des noces, alors que tous dansaient au salon, lui préféra se retirer dans la cuisine non éclairée. Il aimait la solitude.
Au mois de novembre 1912, il quitta la maison paternelle pour aller travailler au bois. C'était la pre- mière fois qu'il sortait. Les autres garçons étaient assez vieux pour aider leur père dans les travaux fa- ciles de l'hiver. Il ramasserait un peu d'argent car la famille en avait grandement besoin. Il se rendit à Maccan avec des amis de Baie-Egmont. Au bord d’un pont du chemin de fer, il échappa sa valise sur la rive. Aussitôt il descendit pour la chercher, mais il coula et tomba à l’eau dont le courant était puis- sant. Un seul parmi ses compagnons savait nager, mais si peu qu'il n'’osa pas essayer de sauver Fran- ÇoIs.
Quelque temps plus tard son oncle Arsène Arse- nault, capitaine de bateau, entreprit de pêcher le corps, mais n'eut aucun succès. Au mois de mars suivant, une petite fille, passant en train, raconta qu'elle avait vu un corps humain flotter sur l'eau. Finalement, au printemps, le corps de François fut retrouvé à Joggins Mines à 50 milles du pont où il s'était noyé. On l'identifia par un soulier qui lui était resté, par la montre que son père lui avait achetée et un vingt-cinq sous en papier qu'il portait toujours sur lui. On interprêta comme une grâce providentielle que ce jeune homme, très bon, ait flotté 50 milles pour s'arrêter à un cimetière catholique. Du pont de Maccan, la plus proche terre bénite était bien à Jog-