18 PAR UN DIMANCHE AU SOIR élève se mesurait au livre de lecture qu’il avait complété. Léah n’a pu se rendre qu'au troisième livre. Ce n’est pas qu’elle avait des problèmes d'apprentissage ou qu’elle n’aimait pas l’école. Au con- traire, elle réussissait bien et elle adorait l'étude : «La maîtresse — je pense pour me /ièrer — disait tout le temps que j'étais smarte. Puis moi, je croyais ça. J'étais tout le temps à la tête.» C'est la tuberculose qui a contraint la jeune Léah à abandonner l'école à l’âge de 1 1 ans. Elle a dû se faire soigner à la maison pendant longtemps de sorte qu'elle n’a jamais pu retourner en classe. La plupart des jeunes de son époque se contentaient d’ailleurs d’une éducation élémentaire, arrêtant généralement leur scolarité au début de l’adolescence. Léah a été extrêmement chagrinée de ne pouvoir continuer son éducation : «J'ai assez braillé, disait-elle. Si tu savais comment que j’ai braillé. La nuit, je rêvais que j'étais à l'école.» Un des précieux souvenirs qu’elle en conservait, c'était une récitation que l’institutrice lui avait fait mémoriser pour un examen public de fin d'année. À 81 ans, elle était encore capable de la réciter par cœur : Cher petit oreiller Que tu es doux sur ma tête Plein de plumes choisies, Blanc et fait pour moi. Quand on a peur du loup, Du vent, de la tempête, Cher petit oreiller Que je dors bien sur toi. Tu ne m'’éveilleras Qu’à la lueur première, De l’aube au rideau bleu. C'est si [|] de me voir Je le dis tout bas Ma plus tendre prière. Donne-moi encore un baiser Douce maman, bonsoir. Quand venait le moment de se rappeler son enfance, Léah se rapportait inévitablement à ses premiers Noëls. C'était une façon pour elle d'illustrer la vie simple de l’époque. «C'était des beaux Noëls, disait-elle un jour à Gérard LeBlanc, animateur de Radio- Canada. On s’assisait toujours tout le tour de la table. On était une