UNE FEMME AMOUREUSE DE LA VIE 19
grande famille, nous autres, et puis on parlait de ça, quoi ce qu’on allait avoir pour Noël. Puis, c'était pas grand-chose pourtant.» Effectivement, saint Nicolas n’était pas riche, dans le temps, ou du moins il n'avait pas encore pris l’habitude d’exagérer sa générosité. Le peu qu'il laissait lors de sa visite pouvait facilement se glisser dans un bas que chaque enfant faisait pendiller près de la cheminée. Un de ces cadeaux est resté gravé dans la mémoire de Léah :
Je me rappelle une année, on avait eu tous chacun un petit bonbon. Le mien, c'était un petit balai. Ah! c'était-y beau. Je pouvais pas manger ça, c'était trop beau. J'ai serré ça dans la trunkà ma mère. J'allais le voir à tous les jours. Puis, il maïgrissait, mon petit balai!
Ah! quoi ce qu'il avait? Je le savais pas quoi ce qu'il avait, mon petit balai. Par une belle journée, j'ai découvert ce qu’il avait. Ma petite sœur avait deux ans. À tous les jours, elle allait justement le fripper une petite affaire puis elle le serrait. Puis tandis ce temps-là, il fondait. Ça fait, quand j'ai vu ça, j'ai coupé mon petit balai, puis j'en avons eu Chacun une petite part. Léah aimait beaucoup rappeler ce souvenir qu’elle racontait aux
enfants comme si c'était un conte.
Selon Léah, c'était sa mère qui avait introduit le sapin de Noël dans le voisinage, tradition qu’elle avait rapportée des États-Unis où elle avait vécu pendant quelques années avant son mariage. Elle fabriquait la plupart des décorations avec ses enfants. La plus origi- nale, c'était la vessie du cochon qu’on venait d’abattre. Elle était bien lavée, puis gonflée comme un ballon. La mère de Léah y introduisait quelques boutons de couleur et l’attachait au sommet du petit arbre. Et de dire Léah : «Il y avait jamais de quoi de plus beau!»
Comme la plupart des parents du temps, les Aucoin n'avaient pas les moyens d'acheter des jouets à leurs enfants. Les petites filles faisaient donc leurs propres catins avec des morceaux de vêtements usagés. Léah racontait comment ses sœurs et elle étaient contentes lorsque leur mère cassait une assiette. Elles récupéraient les mor Ceaux pour jouer à «la femme». Lorsqu'elles s'amusaient dehors, elles cuisinaient des biscuits de terre et faisaient semblant de mettre la table en se servant de ces fragments de vaisselle.