UNE FEMME AMOUREUSE DE LA VIE 21

avec peu de congés. Il va sans dire que les vacances payées étaient inconnues.

Les possibilités d'emploi étaient très restreintes pour une jeune fille qui ne voulait pas quitter l’Île. À part le travail de bonne, le principal débouché se trouvait dans l’industrie du homard. Il s’agis- sait d’un travail saisonnier (qui ne durait que quelques mois) dans les usines de conservation, les /acteries de homard. Léah a travaillé au moins pendant une saison dans une usine située près de chez elle et qui appartenait au cousin de son père, Jack à Gonzague Arsenault. Elle s’est également engagée pendant plusieurs saisons chez Harry Wood qui possédait une conserverie à Lot 16, sur la côte nord de l’Île. Bien que le propriétaire fût anglophone, la plupart des employés étaient des Acadiens et des Acadiennes recrutés par le contremaître Ben Gallant, de Mont-Carmel. «On partait le printemps en fruck- wagon, m'a raconté Léah. Ils veniont nous chercher Quand je pense à Ça, des pareils bouts en fruck-wagon!» Enfin, la distance était seulement d'environ 30 kilomètres, mais il fallait faire le trajet dans une voiture tirée par des chevaux et sur des routes de terre souvent détrempées par la fonte des neiges et les pluies printanières.

Si les journées de travail étaient longues dans les facteries, l'expérience n’était pas nécessairement désagréable. Léah conservait d’ailleurs de bons souvenirs de cet emploi l’on vivait en commu- nauté pendant quelques mois. Une trentaine d'employés des deux sexes logeaient effectivement sur les lieux, sous l'œil vigilant d’un couple à qui revenait la responsabilité de la sécurité et de l’ordre. Pendant les heures de loisirs, on s’adonnait aux jeux de Cartes, à la danse et on chantait : «(Entre les filles, on chantait un sérieux COUP. Dans ce temps-là, il y avait pas aucune façon de musique. Personne avait de radio ni rien.» Et que disait Léah du salaire qu'on y gagnait? (On croyait qu'on faisait des grosses gages. On avait dix-huit piastres par mois. Je croyions que j'étions riche quand l'automne venait!»

La tuberculose, qui avait miné la santé de Léah au début de son adolescence, est réapparue dans la famille une dizaine d'années plus