UNE FEMME AMOUREUSE DE LA VIE 27 glissaient donc sous les draps et se fermaient les yeux. Et voilà que dix minutes plus tard, il y avait des petits bonbons de diverses couleurs à côté du lit. «Nous autres, je faisions mine que ça venait tout seul, se rappelle Marie. Elle pouvait jamais résister. Quand même si Ça y tentait pas en toute, elle faisait tout le temps une petite recette de candies, vite fait.» Elle cuisinait ça en quelques minutes avec du sucre glace, du beurre, quelques gouttes de lait, un soupçon de sel et du colorant alimentaire. Léah et Alyre étaient économes l’un comme l’autre. Selon Marie, «ils watchiont ce qu'ils achetiont, tous les deux. Ils étiont manière sur la même longueur d'onde pour ça». N’étant pas riches, ils devaient faire vraiment attention à leurs dépenses. Plus souvent qu'autrement, Léah avait son mot à dire dans les achats importants, mais il est arrivé à quelques reprises qu’Alyre ignore complètement ses opinions, notamment la fois où il a acheté une voiture qu'elle trouvait trop chère. Inutile de dire qu'elle en était furieuse! Grâce à la ferme, les Maddix menaient une vie plus ou moins autosuffisante, comme bien d’autres familles vivant en milieu rural à l’Île-du-Prince-Édouard jusque dans les années 1950. On n’achetait que le strict nécessaire. Léah faisait son beurre et son savon, mettait en conserve les produits du jardin et les fruits sauvages et filait parfois sa propre laine. Excellente artisane, elle savait bien tricoter et faire des tapis au crochet qu'elle troquait contre des carrés de linoléum auprès des colporteurs qui visitaient le village tous les printemps. Léah était aussi une couturière talentueuse. Sa machine à coudre lui était fort précieuse, et quand elle tombait en panne, c’est là qu’on voyait Léah le plus impatiente. Comme me l’a souligné Marie, «elle paniquait assez si son moulin à coudre manquait». Elle faisait pratiquement tous ses vêtements et ceux des enfants, elle cousait même pour les autres à peu de frais. Florence s’en souvient bien : Elle a coudu puis coudu, Elle coudait pour rien, c'est aussi bien dire. Quoi ce qu'elle chargealt, bien ça valait pas la peine d'en parler. Elle faisait toutes nos hardes Jusqu'à ce que j'étais grande. Elle faisait toute, toute, toute, Toutes les hardes qu’on avalt, les bonnes hardes, comme nos hardes du dimanche, parce qu'ils aviont pas trop d'argent,