UNE FEMME AMOUREUSE DE LA VIE 35

Les accouchements ne se faisaient pas toujours dans les meilleu- res conditions. Léah se souvenait d’une fois elle avait presque mis le feu à la chambre de la mère : «J'étais toute seule là. C'était un jrette du sainte et bonne, puis la femme avait mis un petit poêle rond dans sa chambre. Les enfants s’aviont réveillés puis c'était un tourbillon! Je m’encroche dans le poêle. C’est curieux que ç’a pas pris en feu. Toute l’eau a renversé à terre. Quelle misère j’avons eu.»

Lors d’un autre accouchement, chez une famille très pauvre, il faisait tellement froid dans la chambre que Léah grelottait même si elle s'était bien emmitouflée dans deux chandaïils et un manteau. Cette fois-là, le docteur Reid, qui n’était pas solide sur ses jambes

depuis qu'il avait eu la polio, est tombé et est passé à travers le mur de carton.

Léah ne demandait pas de rémunération pour son travail. On lui offrait tout de même un dollar ou un peu plus si elle donnait toute une semaine de son temps. «C'était plus une charité, disait-elle. J’aimais Ça.» Cependant, son absence de la maison ne plaisait pas toujours à ses filles, notamment à Florence : «Des fois, ils veniont la chercher dans la nuit. Ah! moi, j'étais tout le temps assez fière quand c'était passé. Des fois, elle était partie deux ou trois jours. Je sais pas, ça me déplaisait de la voir partir.» Léah a assisté à ses derniers accouche- ments au milieu des années 1950. Désormais, les femmes se ren- daient accoucher à l'hôpital de Summerside.

Léah n’a pas pu continuer son service de sage-femme après le 29 février 1956, triste journée pour la famille. C’est ce jour-là que son mari Alyre s'est fait assommer par un jeune cheval qu'il venait d'acheter. Cette jeune bête lui a porté un tel coup de sabot en plein ventre qu il est demeuré estropié presque trois ans, incapable de travailler. [l a donc fallu chercher une source de revenu pour combler le manque à gagner et aider Marie qui voulait suivre un cours de secrétariat. C'est pour cela que Léah et Alyre ont décidé de se constituer en foyer nourricier. À cette époque, ils avaient respective- ment 57 et 58 ans. Pendant près de quatre ans, ils ont accueilli chez