UNE FEMME AMOUREUSE DE LA VIE 43

mettait en vente lors des bazars de charité organisés par le personnel du foyer. Elle aimait jouer aux cartes et participer activement aux soirées sociales qui avaient régulièrement lieu au foyer.

Mais il y avait quand même beaucoup d’inconvénients à vivre dans un foyer d'accueil, comme la perte de son intimité. La majorité des résidents devaient partager leur chambre, souvent avec de purs étrangers ou encore avec une personne qui souffrait de quelque problème de santé. Cela pouvait s'avérer agaçant. Léah me racontait le cas de sa belle-sœur, Éléonore Wedge, avec qui elle partageait la chambre et qui commençait à souffrir de sénilité. Éléonore avait tendance à répéter la même histoire plusieurs fois dans une journée. Sans malice, Léah lui faisait parfois savoir. Un bon jour, sa belle-sœur fit une colère, niant qu’elle se répétait et accusant Léah de vouloir se moquer d'elle. Léah, pour s'assurer de ne plus l’offusquer, décida que désormais, chaque fois que sa belle-sœur lui raconterait quelque chose, elle ferait semblant qu’elle l’entendait pour la toute première fois, même si c'était la dixième fois qu’elle la lui répétait.

Un autre inconvénient était celui de vivre dans un monde de vieillards. Léah me faisait un jour le commentaire que ce n’était pas toujours facile pour des aînés de cohabiter. Elle disait que les résidents qui entendaient bien étaient très souvent séniles, alors que les plus lucides, avec qui elle aurait pu plus facilement se lier d'amitié, souffraient de surdité. Pour s’entretenir avec eux, il fallait par conséquent parler très fort et même crier, ce qui rendait les échanges épuisants.

Tant que sa santé lui a permis d’être active, Léah s’est plu au Summerset Manor. Mais au mois de janvier 1986, elle a subi un léger accident cérébro-vasculaire, ce qui l’a contrainte à mettre fin à ses activités; elle ne pouvait même plus tricoter. À partir de ce moment- là, Léah n'était plus la même personne. Elle se plaignait beaucoup et elle ne ressentait plus le même enthousiasme envers le foyer. Quelques semaines avant sa mort, elle disait même à des amis qu’elle n'aimait plus vivre au Manor, que ce n'était pas un endroit agréable.