128 PAR UN DIMANCHE AU SOIR était de ces personnes qui allaient autrefois dire des contes dans les maisons du voisinage pendant les soirées d’hiver. Léah n'était pas de cette catégorie de conteurs; elle appartenait plutôt à ce qu'on pourrait appeler la tradition «domestique». Elle débitait ses récits surtout et avant tout dans son propre foyer et pour ses propres enfants. Elle était cependant héritière de la tradition «publique», car son père était reconnu et sollicité pour ses contes : Il contait des contes, mon père. Dans ce temps-là, vous pouvez penser, il y avait rien en toute, il y avait pas de radio ni de télévision. Ça fait, le monde s’assemblait puis il venait chez nous écouter mon père conter des contes. C'était un grand conteux de contes. Il lisait des livres puis, après ça, il pouvait tout le conter. Ils veniont à pied. C'était justement le monde d’alentours qui venait veiller. Ah oui! mon père, c'était un homme qui était bien divertissant. Ils aimiont ça à venir chez nous l'écouter. Léah ne se souvient pas que son père soit allé à l'extérieur du foyer pour se produire dans des soirées de contes; les gens venaient plutôt à la maison. Cependant, il y avait plusieurs conteurs qui se déplaçaient. Une amie de Léah, Florence Bernard, se rappelle que le conteur Ferdinand Arsenault, son père adoptif, allait souvent réciter ses histoires captivantes ici et là dans la communauté, parfois accompagné d’un autre conteur, comme Jack Maxime Arsenault : «Puis des fois, ils veniont chercher Ferdinand puis il allait aux maisons conter des contes. Il commençait vers sept ou huit heures du soir. On disait pas le mot. T’entendais rien dans la maison tant qu'ils contiont des contes. On était des bandes, tous assis dans la place.» On m'a souvent répété que ces conteurs lisaient ou se faisaient lire des livres qu’ils prenaient plaisir par la suite à raconter. Ces livres d’histoires étaient rares à l’époque, donc c'était tout un événement lorsqu’un nouveau titre apparaissait dans le voisinage. Néanmoins, le répertoire des conteurs comprenait surtout des contes traditionnels transmis de bouche à oreille et de génération en génération, tels Za Bête-à-sept-têtes, La Chatte blanche, Poliplume (Poil-et-Plume), La Barbe d’or Le Ruban vert. Enfin, tous ces récits, éprouvés par les