172 PAR UN DIMANCHE AU SOIR

d’autres formes de divertissement ont envahi les maisons et les fêtes pour détourner les nouvelles générations des anciennes tradi- tions.

Léah savait qu'elle était une des dernières gardiennes des traditions orales dans sa communauté. Elle savait aussi que la transmission des chansons et des contes traditionnels n'allait plus de soi depuis l’arrivée de la radio, du tourne-disque, du cinéma etsurtout de la télévision. Petit à petit, l’espace de la chanson et du conte folkloriques avait été envahi par une multiplicité de sons et d'images importés de partout. Depuis toujours, les chanteurs et les conteurs occupaient une place centrale dans les soirées et les fêtes. La présence constante d’un auditoire captif assurait la transmission de ce bagage culturel d’une génération à l’autre. Mais les médias modernes ont réussi à détourner le regard de l'auditoire et à prendre la place des conteurs et des chanteurs traditionnels.

Si la technologie moderne a donné un coup de barre à la transmission orale des contes et des chansons, elle offrait au moins la possibilité de les figer dans le temps. Léah s’est vite aperçue des avantages du magnétophone. Au lieu d’être intimidée par cet appa- reil, elle en a profité pour sauvegarder les traditions orales qu'elle avait héritées en grande partie de ses parents. Comme l’atteste si bien sa composition L'Âe-du-Prince-Édouard, Léah respectait profondé- ment les souvenirs du passé. En me permettant d'enregistrer ses contes et ses chansons, elle était sûre de les conserver pour la postérité. Elle était d'autant plus motivée à participer aux séances d'enregistrement qu’elle voulait laisser un souvenir impérissable à sa famille immédiate. Elle a même composé une chanson-souvenir intitulée La Vieillesse. Dès qu’elle l’a eu finie, elle m'a demandé de l'enregistrer sachant que je la conserverais précieusement.

En préparant ce livre, j'ai voulu aller au-delà de la conservation et sortir des archives ces riches documents oraux pour les rendre plus accessibles, car par ses chansons et ses contes, Léah Maddix nous livre un témoignage vivant qui constitue une page précieuse de notre histoire sociale.