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SE CARUNE l'encontre de son confrère, le Père Biard reste à Port-Royal pour le ministère des Français, et il étudie la langue indienne ‘sous la direction d’un professeur. Plusieurs colons la connais- saient déjà passablement et, nous dit notre missionnaire, « Biencourt, qui entend le sauvage le mieux de tous ceux qui sont icy, a pris d’un grand zèle et prend chäque jour beau- coup de peine à nous servir de truchement. Mais ne scay comment, aussi tost qu'on vient à traiter de Dieu, il se sent le mesme que Moïse, l'esprit estonné, le gosier tarry et la langue nouée » (1). Cette difficulté de trouver des termes abstraits venait de la nature même de la langue indienne «qui n’a des mots que pour ce qui peut se toucher ou imonstrer à l'œil » (2). | Le zèle de Biencourt subit le contre-coup des malenten- dus qui surgirent entre lui et le missionnaire, au sujet de la question religieuse et de la situation financière. Le Père Biard se choisit alors pour maître un Indien intelligent ; mais, dès ses premières leçons, l’indigène se montra profes- seur des plus médiocres. « Assis, le pre et la plume à la main, le naturel accroupi devant lui », l'élève « l’accablait de questions auxquelles l'inculté interlocuteur ne savait souvent que répondre où qu'il feignait ne pas compren- dre » (3). Le père découvrit un moyen de lui dénouer la langue en « mettant devant lui le plat remply et la serviette dessus ; car à tel trépied se rendent les bons oracles hors de là, et Apollon et Mercure défaillent aux sauvages » (4). Un
(1) Lettre du Père Biard. Thwaites. II, p. 8. ‘ (2) Relations des jésuites. Chap. XV.
(3) Rochemonteix. I, p. 47.
(4) Thwaiïtes. III, p. 192.