16 — autre historien nous montre le missionnaire, « assis dans une hutte à côté d’un sauvage dont il essaie d'apprendre la langue, gagnant à chaque difficulté son instituteur indien par un morceau de tabac, afin de le rendre plus attentif, ou écrivant son exercice indien avec des doigts à demi gelés » (1). Pour arracher encore plus sûrement les énigmes de ces lèvres indiennes, il tâchait d'exprimer par gestes les idées qu'il désirait traduire, « car comme ny eux ne scavent notre langue ny nous la leur sinon fort peu, il nous faut faire mille gesti- culations et chimagrées pour leur exprimer nos conceptions, et ainsy tirer d'eux, quelques noms des choses qui ne se peuvent montrer par les sens » (2). Le maître n’admirait guère les efforts héroïques de son élève pour apprendre sa langue et lui enseigner la française, et toute cette pantomine « donnait beau rire à nos messieurs » de nous voir «au moins toute une après disnez, en faisant basteleur » (3). Presque tous les autres missionnaires, qui viendront en Acadie, devront passer .par ce second noviciat, avant de travailler avec les Indiens. Par un privilège spécial de Dieu, le jésuite « Chaumont hérita des langues de Garnier » (4), son confrère martyrisé par les sauvages Iroquois : unique cas rapporté par les annales canadiennes où intervint, comme jadis au temps de la primitive église, le miracle du don des langues (5). __ Les Indiens, réfractaires à toute discipline, apprenaient plus facilement le français dans leurs rapports quotidiens (1) Finley, p.28. (2) Lettre du P. Biard. Thwaites. IH, p. 10. (3) Lettre du P. Biard. Thwaïtes. II, p. 12. (4) Parkman, p. 82. (5) Saint-Paul, I, Cor. XII, v. 10.