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avec les colons. Mais, les missionnaires remarquaient avec indignation que « la première chose que ces pauvres sauvages apprennent, ce sont des jurements, parolles sales et inju- res » (1). Ne dirait-on pas que l’Indien voulût se venger ? Souvent en effet, les missionnaires constataient que, malgré leurs efforts pour apprendre les mots indiens, on leur donnait assez fréquemment « le mortier pour le niveau et le marteau pour la truelle » (2) ; bien plus, on abusait parfois de leur confiance naïve pour leur faire articuler des paroles fort déshonnêtes, que déçus ils s’en allaient « préchottant inno- cemment pour belles sentences de l'Évangile » (3).
IL. — Les Indiens : leur intelligence, leur langue, leur amour pour les Français.
On s'imaginerait volontiers que l'intelligence faisait défaut aux Indiens : telle n’est pas l’appréciation de ceux qui, au seizième ou au dix-septième siècle, ont vécu parmi eux. En 1540, Cartier déjà les avait trouvés «bien disposés d'esprit et d’entendement » (4). Le premier jésuite, fixé en Amérique, nous les peint comme des hommes « à l'esprit gaillard et net » (5) ; le franciscain Sagard, comme « gens d'esprit » dont on peut « faire quelque chose de bon » (6). « Tous ces sauvages », dit ailleurs le même annaliste, « ont l'esprit assez
bon et capable de concevoir et d'apprendre ce qu’on leur
(1) Thwaites. II, p. 8.
(2) Lettre du P. Biard. Thwaites. II, p. 12. (3) Thwaites. III, p. 196.
(4) Gourd. I. François I à Jacques Cartier. (5) Relation du P. Biard. 1616, p. 36.
(6) Sagard. II, p. 332.