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bientôt notre prononciation, si on les instruisait » (1). La tribu recevait le haut exemple de son chef, le grand Mambertou, le Clovis des Souriquois, qui pour apprendre notre langue, ne ménageait ni les « efforts et ahans de langue » et disait aux jésuites : « Apprends vistement notre langue, car aussitôt que tu la sauras et m'auras bien enseigné, je veux étre prêcheur comme toi » (2).

Les missionnaires ne se contentèrent pas de leur apprendre à parler français, ils se mirent résolument à leur apprendre à lire et à écrire. Mais les indigènes ne voyant pas l'utilité de déchiffrer ces figures uniformes, alignées sur les livres qu'on leur offrait, et prétendant parler plus facile- ment sans avoir une feuille écrite sous les yeux, ne voulaient pas « s’y adonner et se contentaient de compter les feuillets de nos livres et d’en admirer les images avec tant d'attention qu'ils perdoient tout autre soin et eussent passé les jours et les nuits entiers qui les eût laissés faire, mais un si fréquent maniement de nos livres qu’ils demandaient à voir à tout moment, les uns après les autres, principalement la sainte bible par sa grosseur et les images, les perdoit et les rendoit tout frippez » (3). Les missionnaires ne furent pas rebutés par ces mécomptes et patiemment, à ces enfants incapables de rester en place et d'être longtemps attentifs, ils conti- nuèrent à enseigner « les lettres et escriture » (4). Hélas ! ces pauvres élèves « oublioïient en trois jours ce que nous leur aurions appris en quatre » (5).

(1) Sagard. II, p. 332. (2) Lettre du P. Biard. Thwaïtes, II, p. 22. (3) Sagard. II, p. 330. (4) Sagard. II, p. 330. (5) Sagard. II, p. 330.