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livrée par un pacte qui lui ferait durement sentir, et pour longtemps, les fautes et les inconséquences de la cour de Ver- sailles. Le traité d'Utrecht, en effet, ne déterminait même pas les limites du pays cédé à l'Angleterre : « la Nouvelle-Écosse ou Acadie comprise dans ses anciennes limites. » (Article 12). Il ne garantissait même pas la liberté religieuse : «les sus dits sujets du roy... jouiront du libre exercice de leur religion selon l’usage de l’Église de Rome, aussi loin que les lois de la Grande-Bretagne peuvent le supporter » (Article 14) (1). Quant à la situation civile et politique des personnes, rien !

La douleur que les Acadiens éprouvèrent d’être détachés de leur cher royaume fut quelque peu atténuée par la certi- tude de leur situation actuelle : depuis la fondation de la colo- nie, ils passaient du régime français au régime anglais et vice-versa. D'autre part, ils avaient cette insouciance ou plu- tôt cette indifférence, que tout paysan français d’alors profes- sait vis-à-vis de ses administrateurs, tant que ses biens n'étaient pas menacés. Ils se persuadaient facilement que les « rois éclairés n’ont pas besoin qu'on leur marque ce qu’on souhaite : ils voient comme Dieu ce qu’il nous faut et voient mieux que nous ce qu'ils nous doivent accorder » (2). Quel- ques années plus tard, des preuves terribles leur montreront qu'ils ont changé de maîtres. En attendant, paisiblement ils continuèrent leurs travaux dans leurs champs ou en mer, | pendant qu’une petite garnison anglaise avec son gouverneur s’installait à Port-Royal. Quel fut le sort des écoles françaises sous le nouveau régime ?

En 1715, deux ans après la reddition de l’Acadie à Port-

(1) Rameau. I, 357. (2) Premier placet au roi pour Tartuffe.