émouvant dans sa modestie, car il est le premier que la gra- titude des Acadiens ait élevé à l’un de leurs sauveurs.

Fuyant devant la persécution de 1789, le père Sigogne était passé en Angleterre il s'était familiarisé avec la langue anglaise. Il y avait abandonné un lucratif préceptorat pour accepter la direction des missions de la baie de Sainte-Marie. Toute sa vie, en reconnaissance de la généreuse hospitalité qu'il avait reçu d’un fils d’Albion, il travailla à faire dispa- raître la sourde hostilité qui existait entre Acadiens et Anglais et qu'il jugeait mortelle à la paix et au progrès du pays. Il fut puissamment secondé par un député protestant anglais, Halli- burton, qui plaida avec force et courage la cause des oppri- més ; cet homme du droit et de la justice mérite d’être cité parmi les grands bienfaiteurs de toute l’Acadie. Nous avons vu plus haut que, dès son arrivée dans sa paroisse, le curé dressa un règlement pour le bien spirituel et temporel de ses ouailles. Cet acte signé de 68 chefs de famille montre que sur ce nombre 46 durent signer d’une croix. La proportion de ceux qui savaient lire et écrire était donc tombée depuis 1755 de 50 0) à 32 0, ; cette régression ne surprend pas, quand on se rappelle le dénuement extrême des Acadiens et les lois qui leur défendaient d'ouvrir des écoles. D’autre part, les mission- naires trop rares ne faisaient que de courts séjours dans cha- cune de leurs missions, sans pouvoir s'occuper, comme d'ordinaire, de l'instruction des enfants : au moins, les Acadiens semblent-ils s'être efforcés de conserver le fragile trésor de science légué par leurs pères.

Le père Sigogne avait été nommé juge de paix par le gouvernement pour le district de Clare ; la nécessité le poussa à s’en faire le maître d’école. Tous ses loisirs, il les consacra