OR Re : -

Héros de l'instruction sans le savoir, ces petits écoliers, avec ce matériel plus que modeste, se préparaient un brillant avenir. Dans quelques années, nous en verrons plusieurs siéger à la Chambre de Halifax et y travailler pour le bien de leurs compatriotes. Cette formation dans la pauvreté ne con- tribua pas peu, sans doute, à leur solide formation morale. Avant de les recevoir dans les emplois publics, on voudra, conformément aux lois anglaises alors en vigueur, leur faire renier les principes de leur foi, mais avec une énergie digne de leurs pères, ils n’hésiteront pas et repousseront le serment qu’on leur propose ; devant tant de digne fermeté, l'autorité aura la bonne idée de tourner la loi et de recevoir les représentants des Acadiens (1).

Revenons à notre sacristie. Avec la lecture, l'écriture formait la première étape de l’écale modèle ; sur un tableau de bois noirci, le professeur traçait les lettres et les mots que les élèves reproduisaient ensuite sur leurs enveloppes. Mais, sur ce papier rugueux et parfois jauni, les plumes d’oie s'usaient vite. L’un des plus grands reçut la mission délicate de tailler les plumes que faussait facilement le papier trop

rude ou le poids de doigts mal habiles. « La bibliothèque du Père Sigogne fournissait les livres de lecture. C’étaient d'ordi-

naire des livres de religion ou d'histoire, la sainte écriture et le catéchisme. Le Nouveau Testament avait toutes les préfé- rences du Père. Cet ouvrage valait au moins, j'imagine, les histoires fantastiques et banales dont on meuble de nos jours l'esprit des enfants » (2). Du reste en faisant ce choix, le père Sigogne était fidèle à son double rôle d’instituteur et d’éduca-

s

(1) Poirier, p. 167. (2) Dagnaud, p. 192.