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certain bien-être et une certaine tranquillité chez les habitants. Les malheureux Acadiens, dont tous les soins tendaient à protéger leur vie et l’existence de leurs nombreux enfants, n'avaient pas besoin de l'inique loi, décrétée à Halifax en 1766, pour les détourner de fonder des écoles. Avant de cultiver les intelligences, ils avaient à cultiver la terre qui, avec la chasse et la pêche, leur fournissait leur maigre subsistance. Et pourtant, on a la surprise de découvrir, même dans ces temps si durs, des curés ou des pédagogues qui, un peu partout, se dévouent pour entretenir la flamme des études françaises. Qui nous montrera, à la tombée de la nuit, la mère ou le père, harassé des fatigues du jour, enseignant la lecture ou l'écriture à leurs enfants, blottis près de la grande cheminée où flambe un tronc d’arbre coupé dans la forêt voisine ? Ces dévouements héroïques, peu de documents nous les transmettent ; pourtant ces pédagogues, dont on ne sait presque rien n’ont pas manqué. Sans eux, il serait impossible d'expliquer comment plusieurs Acadiens, trop jeunes au moment de l’expulsion pour avoir suivi les cours dans les écoles de l’Acadie française, savent lire et écrire ; quelques écoles paroissiales, dont nous connaissons l'existence au début du siècle dernier, ne suffiraient pas à résoudre la difficulté. Ces exilés, héros sans s’en douter, gardaient toujours dans leur cœur l’amour de la France et de sa langue, convaincus que c'était là, avec leur foi, le plus bel héritage à léguer à leurs descendants ; les fatigues du jour ne les ont pas empé- chés d'enseigner à leurs enfants le peu qu’ils savaient. Hâtons- nous, avant que l’oubli efface tout, de consigner les noms de ces fidèles serviteurs de la langue française que la tradition et quelques livres/récents nous font connaître,