— 143 — cinquante ans durant, de tout secours matériel, de malheu- reux pères de famille, qui par suite des persécutions n’ont pas pu même apprendre à lire et à écrire, présentent en 1789 au gouverneur anglais une requête — qu'ils signent de plusieurs croix — le suppliant de leur accorder les moyens d'instruire leurs enfants (1). D'autres, après une journée de labeur harassant, consacrent la soirée à leur apprendre à lire. Bien plus, pendant les huit années de captivité (1755- 1763) que nombre d’Acadiens passèrent en Angleterre, des maîtres acadiens se firent une joie de consacrer leurs tristes loisirs « au profit de jeunes gens (acadiens) désireux de s'instruire » (2). « Le plus grand malheur des Acadiens n’a pas été leur dispersion, mais l'abandon presque complet dans ._ lequel ils ont été laissés durant près d’un siècle » (2). Qu'on ne se méprenné pas cependant sur notre pensée. Nous ne prétendons nullement que les Acadiens, même aux jours heureux de la domination française, aient été des intellectuels, avides de sciences. Ils étaient simplement de braves gens se contentant de posséder les connaissances utiles à la vie ; venus de France, ils continuèrent à envoyer leurs enfants aux écoles paroissiales. Ces écoles, que des invasions périodiques détruisaient, renaissaient de leurs cendres; les missionnaires sans doute étaient pour beaucoup dans l’établis- sement de ces écoles, mais le paysan acadien y contribua lui aussi en construisant les bâtiments et en y envoyant ses enfants. Après l'exil, le zèle inlassable qu'ils montrèrent, et dans des circonstances les plus défavorables, pour leurs écoles, leurs collèges et leurs couvents est un éloquent témoignage a —— () Rep. Can. Arch. 1910. Lettre du 21 Déc. 1789. (2) Casgrain, p. 13.