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père Lafrance enseignait à Tracadie ; il le fit venir, et cet unique professeur forma tout le corps enseignant de la future université. Le 15 novembre 1854, s’ouvraient les cours avec quarante-cinq élèves, parmi lesquels nous avons plaisir à relever plusieurs noms anglais. Si le père Lafrance avait voulu fonder une école française pour les Acadiens, il ne prétendait

nullement en fermer les portes aux autres nationalités ni

même aux autres confessions religieuses. Les diverses maisons françaises d’Acadie sont restées fidèles à cette large tolérance, très habile d’ailleurs, car elle facilite les relations entre les différentes nationalités trop séparées jusqu'ici, et les élèves, apprenant à se mieux connaître dès leur jeunesse, feront progressivement disparaître les barrières que les injustices et les préjugés avaient élevées entre les éléments français et anglais.

A la fin de l’année, le père Lafrance comptait quatre-vingts élèves. Pour augmenter le personnel enseignant, il fit appel à une demoiselle O’Regan, irlandaise qui connaissait parfai- tement le français. Elle fut chargée des plus petits ; deux ans plus tard, une demoiselle Lafrance lui succéda, et Justin Häché de Caraquet fut inscrit au nombre des professeurs. Que le petit nombre des maîtres ne nous étonne pas trop ; l'instruction en Acadie était peu développée et, malgré son titre ambitieux de séminaire, l’école du père Lafrance s'était cantonnée modestement jusqu'alors dans l’enseignement pri- maire. Elle servait d'école paroissiale et régionale ; les petites filles suivaient les cours dans des locaux séparés. Le fondateur songea alors à obtenir l'autorisation épiscopale. Mgr O’Conolly n'était guère disposé, paraît-il, à voir s'ouvrir une académie

française dans son diocèse. Il semble à première vue assez :