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étonnant que des femmes aient professé dans un séminaire, car, si le droit canonique n’a pas prévu le cas, l'innovation n'en était pas moins un peu risquée : pure prudence chez le fondateur ! L'évêque, voyant le nom de cette demoiselle anglaise à côté du nom d’un autre professeur français, malgré la sonorité du titre de l'institution, ne la considéra que comme une école ordinaire, un peu mieux organisée, car

enfin, fonde-t-on, avec un personnel mi-féminin et mi-anglais,

un séminaire français ? Aussi accorda-t-il toutes les autorisa-

tions demandées.

Des premières classes du séminaire, les anciens élèves nous ont conservé pieusement certains détails intéressants. On y apprenait la lecture française et anglaise, l'écriture et l'orthographe ; venaient ensuite la grammaire et des exercices français. Ces études préparatoires terminées, on passait au latin et à ce que les élèves appelaient fièrement des études supérieures de français et d'anglais. Les livres faisaient assez souvent défaut ; mais on se les communiquait charitablement. Le règlement lui-même se pliait facilement aux circonstances ; temps heureux une discipline si paternelle pouvait régir un peuple écolier ! Cependant la renommée de l’école s'éten- dait, les élèves se multipliaient. Comme le père Lafrance, vu la modicité de ses ressources, ne pouvait entretenir de nombreux professeurs, il décida de faire appel à des religieux. Les Frères des écoles chrétiennes ne purent accepter ; on lui aurait proposé des professeurs anglais, il refusa parce qu'il tenait à conserver à sa maison son caractère français ; il y faisait volontiers une large place à la langue anglaise, mais il voulait travailler avant tout pour les Acadiens. Faute de pro- fesseurs « l’œuvre de sa vie allait-elle échouer ?... C'était pour