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pas ; les souffrances inouïes qu'il dut supporter ne firent que le confirmer dans sa croyance. Telle était l’aversion qu'il éprouvait jusqu’au premier quart du siècle dernier pour la langue de ses maîtres que lui, si pieux, si respectueux du prêtre, il semblait hésiter à se confier à celui qui ne parlait pas sa langue ; il trouvait pénible d'entendre la parole du prédicateur en anglais. Malheureusement les évêques, lors même qu’ils le voulaient, ne pouvaient pas toujours donner des pasteurs français aux paroisses acadiennes. Pendant si longtemps, et même sous le régime français, l’Acadien avait été habitué à voir dans le prêtre à la fois le soutien de son âme et le protecteur de ses droits ! Ainsi s'explique qu'il ait souffert d’'épancher dans le cœur d’un étranger ses misères et ses peines. Il garde pour ce clergé qui lui a dispensé si géné- reusement les consolations de la religion une reconnaissance éternelle, mais on ne peut être surpris qu’il ait constamment gardé le désir si légitime d’obtenir des prêtres de sa langue. Aujourd'hui, la plupart des curés connaissent les deux langues et, grâce à leurs collèges surtout, les Acadiens ont presque suffisamment de prêtres français pour leurs paroisses. Le pape, qui veille au bien supérieur des âmes, a rappelé utilement au clergé canadien, qui dessert des paroisses bilin- gues, de connaître les deux langues du pays : aux pasteurs d'apprendre la langue de leurs ouailles, et non aux fidèles d'apprendre celle de leur pasteur. « Que les prêtres qui s'occupent du ministère sacré s'efforcent d'acquérir une con- naissance pratique et parfaite des deux langues, et qu’ils se servent tantôt de l’une, tantôt de l’autre, selon le besoin des fidèles » (1). L'ordre si clair et si net du pape fera disparaître

(1) Benoît XV au clergé canadien, 8 sept. 1916.