10 RUSTICO — PAROISSE ACADIENNB La direction nouvelle qu'elle imprima a la politique des deux rivales seculaires eut pour effet de quintupler la population de l'ile Saint- Jean dans 1'espace de dix ans. Au commencement de la guerre en 1744, l'ile Saint- Jean ne comptait seulement qu'une population d'environ huit cent ames dont les terres s'agrandissaient chaque annee, se couvralent de belles moissons et nourrissaient un bon nombre de bestiaux. A la suite de cette guerre un grand nombre des habitants de l'A- cadie passerent a l'ile Saint- Jean qui demeura possession fran¬ chise. Cependant ce qui se passait alors dans la Nouvelle-Ecosse etait de nature a donner une impulsion toute nouvelle a la Co ¬ lonisation de l'ile Saint- Jean. Au printemps de 1749, deux mil- le cinq cents colons, ouvriers, marchands, laboureurs, matelots, journaliers et soldats debarquaient au bord de la baie de Chi- bouctou. Au commencement de l'hiver toute cette coldnie etait dument installee. C'etait la nouvelle ville d' Halifax qui venait d'etre fondee. Des que le nouveau gouverneur de la Nouvelle- Ecosse, Edouard Cornwallis se vit solidement assis, il chan- gea completement la politique suivie par ses predecesseurs en- vers les Acadiens. Aux mesures de persuasion et de menage- raent il substitua les moyens de rigueur et les menaces. Mais ce qui alarm a les Acadiens ce fut surtout le serment d'allg- geance sans reserve qu'il voulut exiger d'eux en violation di- recte des promesses faites par ses predecesseurs,—promesses qui venaient d'etre ratifiees solennellement par le roi d'Angle- terre. Cornwallis ne se contenta pas d'exiger un serment d'al- legeance sans reserve, il fit prisonniers 1'abbS Girard, curg de Cobequid (Truro), et I'abbS de la Goudalie, cure de Grand- Pr 6. L 'abbe Girard. resta en prison a Halifax pendant trois mois, tandis que l'abbe de la Goudalie fut renvoyS en France . Le gouverneur offrit meme cent livres sterling pour la tete de l'abb6 Le Loutre. II refusa de permettre aux pretres d'exercer leurs fonctions, et de plus, il proclama qu'aucuns des habitants qui quitteraient le pays n'auraient le droit d'emporter quoi que ce fut. "En attendant, le gouverneur Cornwallis , dit l"abb<§ Le Loutre, (4 octobre 1749), a fait defense aux Acadiens de sor- tir sous peine d'etre regarded comme deserteurs et pun is com- me tels.' On etait en automne. Cornwallis effraye de la desertion d'un grand nombre d'Acadiens, en depit de ses menaces, s'ap- preta a retenir de force ces memes Acadiens, qui d'apres le traite d' Utrecht avaient le droit de partir quand bon leur sem- blerait, mais qui avait 6te retenus de force tant qu'on ne pouvait pas se passer d'eux.