24 RUSTICO —- PAROISSE ACADIENNE

L’effroyable série de désastres qui depuis huit ans se précipi- taient sur le peuple acadien commenca a se ralentir. Apres a- voir été proscrits, transportés, retransportés, poussés et repous- sés de miseres en miseres, ceux qui étaient restés en Acadie purent respirer- enfin un instant, au milieu des ruines et des morts amoncelés autour d’eux.

Quelle était alors leur situation? Quel était 1e nombre de ceux qui avaient pu éehapper a leurs persécuteurs, soit en fuyant dans les bois, soit en vivant a la dérobée, soit enfin sous un régime de demi-captivité?

Un recensement exécuté par ordre de Montague Wilmot, gouverneur de la Nou-velle—Ecosse, au commencement de l’an- née 1764, constate qu’il y avait dans l’ile Saint-Jean 300 A- cadiens qui avaient promis de prendre un serment d’allégeance

au roi d’angleterre.

En octobre 1764, arrive le capitaine Samuel Holland avec mission d’arpenter l’ile. Il est obligé de s’improviser une ha- bitation. “I1 n’y a que trés peu de maisons propres a ..quoi que ce soit, dit-il; elles ne sont nullement habitables, si ce n’est une ou deux' que les officiers entretiennent a Saint-Pierre et celle que j’ai construite”. On voit combien avait été parfaite l’euvre de destruction d’Amherst et de Boscawen. La terre elle- méme retournait en friche. “Une grande partie des terres qui avaient été défrichées est tellement envahie de buissons et d’arbustes qu’il sera extrémement difficile de la. préparer aux labours”. Et pourtant, de misérables Acadiens vivaient encore blottis la: “11 y a une trentaine de familles acadiennes, on les traite en prisonniers, sur le meme pied que ceux d’Halifax”, dit Holland. “Leur pauvreté est extreme, ils habitent de petites cabanes dans les bois, qui leur donnent aussi du combustible. lls y vivent de poisson qu’ils séchent en été et du gibier qu’ils tuent: lievres et perdrix, lynx, loutres, martres, rats musqués, ne refusant rien, tant la faim les presse".

Duncan Campbell, auteur d’une Histoire de 1’Ile du Prince- Edouard, en date de 1875, dit avoir vu un livre-manuscrit du capitaine Holland appartenant a M. John Ings de Charlotte- town, selon lequel i1 y aurait eu 11,235 acres de terre défrichées, 391 maisons (inhabitables), 2 églises, et 11 moulins dans l’ile, en 1765. Tout cela devait étre an compte des anciens Acadiens, fall‘ jusqu’a cette époque ils avaient été les seuls habitants de ’i e.

Le 20 mai 1768, Franklin, gouverneur de la. Nouvelle- Ecosse nomma Isaac Deschamps, juge-en-chef de l’ile Saint— Jean. Deschamps devait aussi surveiller lacolonisation dans l‘ile. On lui commandait de choisir une capitale et de “se ser- vir des Acadiens pour abattre les arbres et défricher la terre