RUSTICO — PAROISSE ACADIENNE L 'effroyable serie de desastres qui depuis huit ans se precipi- taient sur le peuple acadien commenca a se ralentir. Apres a- voir ete proscrits, transported, retransportes, pouss^s et repous¬ ses de miseres en miseres, ceux qui Staient restes en Acadie purent respirer enfin un instant, au milieu des ruines et des morts amoncetes autour d'eux. Quelle etait alors leur situation? Quel etait le nombre de ceux qui avaient pu echapper a leurs persScuteurs, soit en fuyant dans les bois, soit en vivant a la derobee, soit enfin sous un regime de demi-captivite? Un recensement execute par ordre de Montague Wilmot, gouverneur de la Nouvelle-Ecosse, au commencement de l'an- nee 1764, constate qu'il y avait dans l'ile Saint- Jean 300 A- cadiens qui avaient promis de prendre un serment d'allegeance au roi d'angleterre. En octobre 1764, arrive le capitaine Samuel Holland avec mission d'arpenter l'ile. II est oblige de s'improviser une ha¬ bitation. "II n'y a que tres peu de maisons propres a quoi que ce soit, dit-il; elles ne sont nullement habitables, si ce n'est une ou deux que les officiers entretiennent a Saint- Pierre et celle que j'ai construite". On voit combien avait ete parfaite i 'euvre de destruction dAmherst et de Boscawen . La terre elle- meme retournait en friche. "Une grande partie des terres qui avaient ete defrichees est tellement envahie de buissons et d'arbustes qu'il sera extremement difficile de la preparer aux labours". Et pourtant, de miserables Acadiens vivaient encore blottis la: " U y a une trentaine de families acadiennes, on les traite en prisonniers, sur le meme pied que ceux d' Halifax ", dit Holland. "Leur pauvrete est extreme, ils habitent de petites cabanes dans les bois, qui leur donnent aussi du combustible. Ils y vivent de poisson qu'ils sechent en ete et du gibier qu'ils tuent: lievres et perdrix, lynx, loutres, martres, rats musques, ne refusant rien, tant la faim les presse". Duncan Campbell , auteur d'une Histoire de l'ile du Prince - Edouard , en date de 1875, dit avoir vu un livre-manuscrit du capitaine Holland appartenant a M. John Ings de Charlotte- town, selon lequel il y aurait eu 11,235 acres de terre defrichees, 391 maisons (inhabitables), 2 eglises, et 11 moulins dans l'ile, en 1765. Tout cela devait etre au compte des anciens Acadiens, car jusqu'a cette epoque ils avaient ete les seuls habitants de l'ile. Le 20 mai 1768, Franklin, gouverneur de la Nouvelle- Ecosse nomma Isaac Deschamps , juge-en-chef de l'ile Saint- Jean. Deschamps devait aussi surveiller la colonisation dans l'ile. On lui commandait de choisir une capitale et de "se ser- vir des Acadiens pour abattre les arbres et dSfricher la terre