26 RUSTICO — PAROISSE ACADIENNE mains des conquerants et on ne leur permit pas de s'Stablir dans leurs anciens villages. Ainsi se virent-il forces de chercher ailleurs des endroits pour recommencer la vie laborieuse et ru¬ de de dSfricheurs. Oui, tout 6tait a recommencer, et au nombre de quelles difficultes! Autrefois, sous le regime francais, les colons etaient libres, ils allaient ou ils voulaient, choisissant les plus beaux sites, (portLajoie, Saint- Pierre , B 6dec, Malpec , etc.), les meilleures terres, s'6tablissant a leur gre, ou bon leur sem- blait. Maintenant tout est change. Cette poignee de gens inof- fensifs est traquee comme des betes feroces; pendant bien des annees, ils se refugierent aux fonds des bois, vivant de quelques fruits et racines, avec les produits de la chasse. Ils n'osaient presque pas sortir de leurs retraites. On les considere comme des Strangers qui n'ont aucun droit dans le pays qu'ils ont les premiers decouvert et colonist. Ils manquent de tout: habits, nourriture et habitations. De l'autre c6t6, les colons anglais commencent a arriver en assez grand nombre, et les pauvres Acadiens voient leurs anciens beaux villages occupes par ces nouveaux venus. Tous les encouragements sont donnes a ceux- ci: terres, semences, provisions, tandis que nos pauvres ance- tres ne peuvent meme pas s'assurer d'un petit lopin de terre pour y etablir leurs foyers, tant l'esprit anglais est mefiant et monte contre eux. Comprendrons-nous jamais ce qu'il a fallu de patience, de tenacite, d'energie et de perseverance a ces deshe- rites pour continuer la lutte dans de telles conditions, pour en- fin lasser le mauvais vouloir de leurs oppresseurs, vaincre les obstacles toujours renaissants, s'enraciner au sol et transmet- tre a leurs enfants, l'heritage de foi et d'honneur qu'ils avaient recu de leur peres? Et si cette persecution n'avait dur£ que quelque temps seulement! Mais cet etat de choses se prolongea pendant plusieurs generations. Ce mepris, ce dedain de tout ce qui est acadien, est-ce que nous ne sentons pas encore que nous n'en avons pas vu tout a fait la fin? Cependant, a leur grand honneur, nos valeureux ancetres ne se laisserent pas d6- courager, et comme nous pouvons tous le constater aujourd'hui, leurs efforts et leur perseverance n'ont pas 6te" vains. Pendant pres d'un siecle, toutefois, ne l'oublions pas, nos ancetres fu- rent regardes comme des strangers, des ilotes, dans ce pays qu'ils avaient les premiers decouvert, et arros<5 de leurs sueurs et de leurs larmes. Les premiers etablissements permanents apres la dispersion furent formes par quelques families a Rustico et a en 1761, et a la riviere de Fortune a peu pres vers le meme temps. Les Etablissements de Rustico et de la riviere de Fortune con- tinuerent de progresser lentement et regulierement, sans trop d'embarras de la part des Anglais; mais il n'en fut pas de me-