42 RUSTICO —- PAROISSE ACADIENNE

au goulet de celle de Rasticot, et treize d’une chapelle a l’autre. C’était l’espace qu’il s’agissait de franchir. Les conducteurs de l’énorme chaloupe qui portait les ouvriers de la mission, étaient tellement persuades que le bon vent de ce matin ne pourrait leur manquer de la journée, qu’ils s’étaient munis de bonnes voiles et n’avaient pas songé a se pourvoir de rames. Il s’en trouva deux, comme par hasard, au fond de la chaloupe, mais si petites, qu’elles auraient a peine suffi a un moyen canot d’écor— ce. Ce fut néanmoins sur ces deux mouvettes qu ’il fallut faire plus de trois quarts du voyage, 1e vent ayant manqué presqu’ aussitot que nous fumes hors de la. baie de Malpec, cest-a-dire a environ trois lieues de l’embarquement. Le reste de la journée fut entierement calme; aussi fallut-il 18 heures pour compléter un voyage qui aurait pu se faire. en six avec une voiture mains lourde et des rames plus actives.

“Il était pres de minuit lorsque les voyageurs lassés et en- nuyés d’une si longue navigation aborderent enfin a Rasticot. Les habitants, voisins de l’église, qui comptaient sur leur arri- vée, ne s’étaient pas lassés de les attendre et les recurent avec cet empressement, ce respect, cette affection que les ecclesiasti- ques ne trouvent que chez les vrais fideles.

“II était temps de prier et de se coucher, on fit l’un et l’autre sans délai, et le lendemain matin la mission s’ouvrit.

“Le défunt évéque, sur les plaintes qui lui avait portées con- tre les habitants de cette paroisse par un missionnaire qui ne les avait considérés que sous le point de vue 1e moins avanta- geux, les avait fortement repris, privés ‘de prétre et condamnés a refaire en neuf et dans une meilleure place leur presbytére et leur église. Ennuyés d’une privation qui durait depuis neuf ans, ils avaient élevé une chapelle neuve, presqu’achevé un pres- bytére, et étaient préparés a faire tout ce qui serait exigé d’eux pour mériter la residence d’un pasteur. L’évéque bien informé de tout cela, se décida a leur donner M. Beaubien, charge en me- me temps de la desserte des autres postes acadiens de l’Isle, et exigea d’eux certaines améliorations tant au presbytére qu’a l’église; qu’ils promirent de faire sans raisonner, entr’autres l’abandon, pour l’usage du missionnaire, de 40 acres de terre achetés en commun par quelques particuliers dont quelques-uns auraient peut-étre aimé mieux garder leur part pour eux-mé- mes que de la. céder a l’usage du prétre. La suite fera voir qu’ils sont vraiment dignes de la préférence qu’il leur a donné de sa. residence principale.

“Voici un fait qui semblera incroyable a tous ceux qui le liront pour la premiere fois. C’est que depuis environ six ans, on en. tend dans toutes les chapelles acadiennes de l’isle Saint-Jean, celle de la baie de Fortune exceptée, des voix ou plutét une voix