RUSTICO PAROISSE ACADIENNE 43

tantot chantante et tantot soupirante dont plusieurs personnes se trouvent singuliérement affectées. La voix soupirante est celle d’une personne qui serait dans une affliction sourde et pro- fonde, la voix chantante est celle d’une femme ou d’un enfant qui se fait entendre au-dessus de celles des chantres, car c’est pendant que l’office se chante que l’on entend cette voix glapir, mais surtout pendant les litanies du Saint-Nom de Jésus, qu’il est 'd’usage de chanter le dimanche pendant la messe. Tous les assistants n’entendent pas cette voix en méme temps, ceux qui l’ont entendue un dimanche dans une église ne l’entendent pas toujours dans une autre église, ou le dimanche suiva‘nt. 11 en est qui ne l’ont jamais entendue. Quelquefois elle est entendue d’une personne et ne l’est pas d’une autre placée dans le méme banc. Cependant plusieurs sont frappés du son de la voix gé- missante jusqu’a en tomber en pamoison. S’il n’y avait que des femmes et des enfants qui affirmassent 1a chose, on pourrait tout uniment l’attribuer a une imagination échauffée, mais, en— tre plus de cent personnes qui l’ont entendue dans la seule église de Rusticot, et peut—étre dans celle de Malpec, il y a des gens de tout age, des esprits sensés et solides; tous rapportent la chose uniformément sans avoir aucun intérét a la. maintenir, puisqu’ils en sont fatigués et affligés. Cette uniformité donne du poids au récit. Ni l’évéque, ni les compagnons, ni les autres missionnaires n’ont rien entendu a Malpec a travers les canti- ques chantés par l’abbé Painchaud pendant la premiere messe qu‘y célebra l’évéque, et le dimanche suivant pendant vépres, et tous les jours de la visite de Rusticot, excepté 1e dernipr. Ces voix n’ont pas épargné les cabanes on les Acadiens occupés au loin a l’xploitation du bois, se réunissaient le dimanche pour chanter quelques cantiques. Elles ont traversé méme a Géda'i- que ou l’on n’a cessé de les entendre que depuis le dimanche de Quasimodo, 1811. “J’ai nié cela, disait au prélat un des hom- mes les plus sensés de Rusticot, aussi longtemps que je l’ai pu, car je ne suis pas du nombre de ceux' qui entendent. Mais ce nombre a tellement crfi, et i1 s’y est trouvé des personnes si graves et si incapables de mentir j’en ai tant vu se mettre en dépense et'faire prier pour les ames du purgatoire, dont ceci leur semblait étre 1e langage, que j’aurais cru étre coupable de témé- rité si j’avais résisté plus longtemps a la persuasion générale.

“Que conclure de tout cela! qu’il y a des voix qui se font en- tendre, et cela dans des lieux 01‘1 il n’y a point de ventriloques, oil 1e peuple n’est pas assez rusé pour étre soupgonné d’aucun prestige, oil la disposition méme des édifices ne s’y préterait pas. Mais quelles sont ces voix? D’ot‘l viennent-elles? Pourquoi se font-elles entendre? Par quelle raison ne sont—elles pas en- tendues de tout le monde? Pourquoi les églises 'écossaises en